lundi 29 décembre 2014

"Marie", nouvelle de Paul-Eric Langevin (2003-2005)

LA PEINTURE

Nouvelle



Marie naît en 1905 sur les hauteurs de la petite colline de Montmartre. Son père est instituteur et sa mère blanchisseuse. Elle se souvient de son enfance comme d'une période formidable. Entre les pavés de la butte, les vignes, les chansons, les gamins du coin que l'on appelle des petits poulbots, du nom d'un certain monsieur Poulbot qui a contribué à la protection du quartier, l'enfance est pour Marie une période insouciante de libertés, de jeux, de grand air, de folies mais aussi d'école car elle va à l'école dans la classe de son père. Il suffit de se rappeler de Marcel Pagnol pour se souvenir des anecdotes et des bêtises qui peuvent survenir lorsqu'un enfant est dans la classe d'un de ses parents. Mais les meilleurs souvenirs pour Marie, ce sont les jeux avec les enfants de la butte: les billes, colin-maillart, la marelle, les courses-poursuites dans les ruelles, dans les escaliers, le jeu de chat perché: A travers la rue Lepic, la rue des Abbesses, la rue Caulaincourt, au Moulin-rouge comme au Moulin de la Galette, autour du Sacré-Coeur récemment inauguré, dans les petits cafés, les petits restaurants, les petites rues et les petites épiceries. En ce début de siècle, la Belle époque comme on l'appelait, rien ne manque pour que les enfants passent une période merveilleuse. Et c'est le cas pour Marie, ce sont ses plus beaux souvenirs: A cette époque déjà, les vignes de Montmartre sont vendangées à la fin de l'été et les enfants qui s'y promènent y travaillent de temps en temps mais y passent aussi simplement pour prendre une grappe de raisins ou deux. Le raisin de l'année est délicieux et bien meilleur lorsqu'il est tout frais. Les enfants en bande se promènent après l'école pour faire une ou deux boulangeries, une ou deux épiceries et c'est l'époque formidable des bonbons que l'on achète en grande quantité, sans cependant exagérer, et que l'on se partage sous le sourire complice de l'épicière: Mais les parents de Marie font attention à ce qu'elle garde de l'appétit pour le dîner. Ils ont suffisamment d'argent pour ne pas craindre la misère mais ils ne peuvent guère payer à Marie des vacances extraordinaires.

Le long de son enfance, elle reste dans les rues de Montmartre et a l'occasion de découvrir un peu Paris de temps en temps, au cours des week-ends mais aussi des vacances scolaires. Cependant, pendant les vacances d'été et avant les vendanges, Marie découvre la mer: ses parents l'emmènent parfois en Normandie et même en Bretagne: La première fois qu'elle voit l'océan, la gamine ne veut pas le quitter et souhaite vivre pour toujours à Honfleur où ses parents louent une petite maison. Mais la rentrée est là, les cours doivent reprendre et le père ne peut attendre la prochaine saison pour travailler. C'est le retour des feuilles blanches, des buvards et des crayons de toutes les couleurs. L'enfance c'est aussi pour Marie la période des anniversaires chez les copains et les copines. Il y a René, Claude, Paul, Pierre, François. Mais aussi Berthe, Eliane, Sylvie, Chantal. Après le grand goûter d'anniversaire pour l'élu du jour, les enfants retournent courir dans les rues.

Marie connaît les rues de la butte par coeur, tous les escaliers, les passages menant d'un. endroit à. 1' autre, qu'ils soient bien connus ou qu'ils soient secrets. Ce qu'elle aime le plus, c'est monter petit à petit et se retourner d'un seul coup en haut des escaliers pour se retrouver nez à nez avec Paris, l'immense cité si mystérieuse dans son coeur d'enfant. Dans la cour de l'école, elle est imbattable lorsqu'il s'agit de jouer aux billes et sa collection de calots, qui sont plus gros que les billes et de plus grande valeur, augmente de jour en jour. Les filles aiment aussi la marelle qui consiste à tracer des cases numérotées au sol et à sauter à cloche-pied pour atteindre le ciel comme chacun sait. A l'école comme dans les rues, les enfants aiment jouer à chat, se poursuivre et s'attraper, ils appellent parfois ce jeu le gendarme et le voleur. A propos de gendarmes, il arrive que certains garçons aient des ennuis avec eux de temps en temps. Marie, elle, est une gamine très sage dont l'enfance s'écoule comme une période innocente et bénie, entre le foyer parental, l'école et les jeux avec les autres enfants. L'innocence c'est la beauté de l'enfance.

Sur la butte Montmartre il y a déjà plusieurs libraires et Marie, qui commence à savoir lire, découvre quelques classiques enfantins: Jules Verne, mais aussi Stevenson ou Kipling et même les poésies de Victor Hugo. La lecture est une vraie aventure pour une enfant de cet âge, les premiers livres lus sont des livres très simples, parlant de nuages, d'animaux, de monstres, mais Marie parcourt les rues avec ses copains à la recherche d'un trésor comme le "Tour du Monde en quatre-vingt jours" ou "l'Ile au trésor": La classe est difficile car c'est le moment où l'on doit laisser les jeux et les poursuites dans les ruelles pour une activité intellectuelle. Mais elle est bonne élève car qui ne le serait pas si la fille du maître ne faisait pas des efforts?

La classe c'est aussi les punitions. Les enfants pas sages en reçoivent de temps en temps, allant des coups de règle sur les doigts au bonnet d'âne en passant par les pages de copie imposées après la classe. Après la. classe, c'est la sortie de l'école, les parents qui viennent se renseigner sur le comportement de leur garnement. Marie peut rentrer seule de l'école, elle peut s'amuser dans les rues, goûter avec ses amis tout comme rester pour travailler sous la surveillance de son père. L'enfance, c'est pour elle la liberté, la joie de vivre sans les contraintes imposées aux adultes: eux sont tout aussi libres sans l'être autant, pourtant. Cependant cette époque bénie doit bien se terminer un jour et l'enfance n'est pas pour tous faite que de bons souvenirs, de jeux et de rires, de poursuites dans les rues et de goûters merveilleux. A Paris, l'ambiance est de plus en. plus lourde car on apprend qu'un archiduc a été tué en Yougoslavie et qu'il va peut-être y avoir la guerre. Même le quartier de Montmartre, habituellement festif, joyeux, vivant, bruyant, se fait petit à. petit plus calme, plus sévère, plus austère, plus triste. Marie vient d'avoir neuf ans et la guerre contre l'Allemagne est déclarée. Les hommes s'en vont, la fleur au fusil comme on dit à ce moment-là: Son père est mobilisé.

Ce sont les femmes qui font la classe. Sa mère, toujours blanchisseuse, habituellement toujours joyeuse, a sur le front dorénavant des rides indiquant sa. grande tension intérieure et le sourire sur ses lèvres ne revient plus que rarement. A cette période, Marie dévore tous les romans de Jules Verne et essaie de se faire une petite idée de ce qu'est la guerre. L'expliquer à une enfant de neuf ans n'est pas simple, Doit-on lui donner des détails? Doit-on lui donner de l'espoir? Doit-on lui faire accepter calmement la situation? Les enfants de la hutte Montmartre ne sont plus aussi farceurs, ils sont tous un peu anxieux et Marie, elle-même, rentre rapidement chez elle après l'école pour travailler et rêver dans les livres d'aventures. Le ciel est beaucoup moins clair, beaucoup moins bleu que lors des années précédentes. C'est une période d'angoisse dans tous les foyers.

Quelques mois plus tard et à la suite de quelques lettres de son père et d'autres soldats mobilisés, Marie apprend sa mort au champ d'honneur: Pour la petite fille, c'est un effondrement. Toute l'innocence se termine là, par un bel après-midi d'automne de l'année 1915 à travers une lettre qui vient du front et qui annonce la disparition de son cher maître d'école. Mais ça n'est pas elle qui réagit le plus mal à la triste nouvelle. Sa mère, qui attendait impatiemment que son mari revienne faire la classe pour que la vie sur la hutte reprenne comme avant, est extrêmement choquée par la. triste réalité. C'est alors qu'elle sombre dans un immense désespoir. En moins de quelques mois, Marie perd ses deux parents parce qu'un archiduc a été assassiné en Yougoslavie quelques temps auparavant. Mais allez expliquer cela à une enfant désespérée. Cependant, les orphelins ne sont pas laissés à eux-mêmes à cette période, du moins pas tous et elle a la chance d'être soutenue par un vieux couple d'amis du quartier. Sur la butte Montmartre, tout le monde se connaît et l'on partage les joies comme les peines: Les deux personnes âgées proposent à. Marie de venir vivre chez elles.

Elle continue à aller à l'école comme avant et ne perd pas ses camarades d'école qui sont un soutien pour elle: Assez rapidement d'ailleurs, elle se dirige vers le collège du quartier, ce qui fait que toutes ses habitudes sont changées. L'enfance est maintenant bien loin. C'est l'adolescence qui commence et Marie s'habitue petit à petit à vivre chez Paul et Rachel. Ils sont extrêmement bienveillants et font des efforts pour la soutenir lorsque la tristesse la gagne. De plus, ils ont tous les deux. un. immense avantage aux yeux de la fillette: ils sont peintres: Tous les deux sont originaux et amusants, ce qui fait qu'elle n'a guère le temps ni l'occasion de laisser la mélancolie revenir trop souvent. Elle continue bien sûr ses jeux dans les ruelles de la butte mais elle découvre aussi la peinture, s'installe assez souvent sur la Place du Tertre pour dessiner ou bien peindre: Les années avançant, elle se promène dans tout Paris à. la recherche d'une nouvelle toile chaque jour. Le vieux couple l'initie à toutes les techniques de dessin, de l'aquarelle à la peinture à. l'huile en passant par le dessin au crayon, à la. sanguine ou au pastel. Les liens qui se créent de plus en plus étroitement avec Rachel sont d'autant plus forts qu'elle aussi a perdu ses parents lorsqu'elle était assez jeune: Curieusement, les deux personnes âgées sont très différentes: Elle peint sur des toiles immenses qui prennent toute la place dans le salon alors que lui peint dans son atelier et ne veut laisser entrer personne lorsqu'il crée, même pas la jeune fille.

Tous les deux créent des toiles impressionnistes d'un style relativement original car assez peu figuratif par moments, se rapprochant de ce que Monet faisait avec les nymphéas dans son jardin de Givemy. Mais le style de Rachel se distingue bien souvent de celui de Paul qui est beaucoup plus épuré, beaucoup moins coloré et brûlant: Là où la vieille dame met tout son coeur dans des délires de couleur hallucinants, le vieil homme reste beaucoup plus simple et la force de sa peinture tient justement à cette simplicité. Tous les deux enseignent à Marie ce qu'elle n'apprend pas au collège, c'est-à-dire la vie des impressionnistes, Monet, Cézanne, Degas, Renoir, Manet, Gauguin, Pissaro, Sisley, Seurat. Elle sait bientôt tout en détail sur l'impressionnisme, le fauvisme, le pointillisme et tout l'art pictural de la fin du dix-neuvième siècle. Avec Paul et Rachel, elle a la chance de retourner en Normandie et en Bretagne assez souvent et de profiter des merveilles de la nature pour pouvoir les transcender avec ses pinceaux. Elle redécouvre Honfleur mais ils se promènent aussi à Deauville, à Trouville, à Caen, à Bayeux ainsi qu'en Haute-Normandie à Etretat, à Fécamp ou bien à Rouen. Avec ses deux parents adoptifs, elle magnifie les paysages du petit port de Honfleur, les falaises d'Etretat, peut se mesurer à Monet en travaillant à la cathédrale de Rouen. et se promène dans les rues de Bayeux ainsi que dans le château de Guillaume le Conquérant à Caen.

Parallèlement à son instruction au collège de la butte Montmartre, elle profite ainsi de toutes les connaissances de Rachel et Paul mais elle ne cesse pas pour autant de s'amuser avec les gamins du coin. Les années s'écoulant, elle fait ses premières expériences amoureuses et son coeur ne bat plus que pour un jeune garçon de sa classe. Rachel et Paul tentent alors de lui enseigner les choses de l'amour et lui expliquent qu'il y va souvent en amour comme en peinture, que le plus important est d'écouter son coeur et de ne pas se laisser tromper par les apparences, On doit aimer les hommes de façon aussi sereine qu'on aime les paysages ou tout au moins essayer d'éviter les orages de la. passion qui sont destructeurs, lui explique Rachel: Les hommes sont difficiles à appréhender et souvent ils ne valent pas grand-chose, ce qui fait qu'on doit choisir délicatement et sans précipitation> un peu comme on choisit un sujet en peinture, lui enseigne Paul: La grande sensibilité de Marie lui fait passer des moments très douloureux et ses premières amours ne sont pas toutes roses: Mais les paroles de Rachel et Paul sont un baume qui travaille jour après jour à cicatriser les plaies. Cependant Rachel et Paul sont âgés et elle sait que l'un et l'autre vont sans aucun doute la quitter un jour. Peut-être les quittera-t-elle avant pourtant car elle a décidé d'aller étudier les beaux-arts à l'université et à dix-huit ans, on a toute la vie devant soi et même plus encore quand on a un coeur immense et une passion artistique sans bornes: C'est alors que Marie prend une chambre au dernier étage d'un immeuble de l'Ile de la Cité et commence ses études aux Beaux-Arts dans le sixième arrondissement.

 A l'école des Beaux-arts, elle perfectionne toutes ses connaissances déjà étendues dans les domaines du dessin, de la peinture, de l'aquarelle mais aussi de la sculpture: Pendant les week-ends ainsi que pendant les vacances, elle retourne sur la butte Montmartre chez ses deux mentors préférés. Les années avancent et Rachel, tout aussi bien que Paul, peignent beaucoup moins qu'avant. C'est à elle, à Marie, de continuer ce que le vieux couple lui a enseigné avec passion. Mais Marie ne vit pas que de peinture car elle rencontre aux Beaux-arts un jeune homme un peu plus âgé qu'elle, qui a déjà une trentaine d'années. Il se prénomme Eric, peint merveilleusement bien et possède déjà une galerie de peinture car il est assez fortuné, Son amour pour Eric est de jour en jour plus fort et lorsque le jeune homme découvre la sensibilité ainsi que l'immense talent de cette fille qui a passé son enfance à. Montmartre, Eric et Marie vivent une histoire d'amour magnifique. Mais cette histoire est ombragée par la disparition de Rachel tout d'abord puis de Paul quelques mois après. Marie supporte très péniblement cette perte qui la ramène des années en arrière, au beau milieu de la Grande Guerre, alors que ses propres parents la quittaient aussi l'un après l'autre. Cependant, Marie a vingt ans, elle aime passionnément Eric, ainsi que la. peinture et nous sommes en 1925, alors que les milieux artistiques découvrent le surréalisme.

Marie est profondément marquée par le surréalisme elle aussi tout comme tous les étudiants aux Beaux-arts de cette époque. C'est la période à laquelle elle termine ses études et sa créativité s'en trouve complètement épanouie. Elle s'installe définitivement avec Eric dans un bel appartement en plein coeur de Paris: Eric expose dans sa galerie les toiles de sa compagne, ce qui lui permet de gagner beaucoup d'argent bien qu'elle n'en ait pas forcément besoin puisque lui est assez riche. Avec quelques étudiants, ils forment un petit groupe qui développe les recherches picturales et théoriques du surréalisme, tout en travaillant toujours à des aquarelles d'essence plus profondément impressionniste, Mais l'influence de Dali, Ernst, Miro, Tanguy, Duchamp se ressent de plus en plus dans la peinture de la jeune femme. Le couple fait plusieurs voyages à travers la France et à l'étranger, ce qui leur donne l'occasion de travailler sur à peu près toutes les sources naturelles.

C'est aussi pendant cette période que Marie découvre amèrement l'ambiance cynique et mercantile qui règne dans le monde de la peinture en particulier et les milieux artistiques en général. Eric connaît bien les galeristes, les exposants ainsi que certains mécènes, certains conservateurs de musée, certains producteurs ou éditeurs célèbres: Elle doit alors réviser ses opinions assez naïves et imaginaires sur ces sujets pour revenir à une vision plus réaliste et matérialiste de la situation de l'artiste dans un monde qui reste globalement impitoyable. Elle a cependant la chance d'être en couple avec Eric d'une part et d'autre part de vendre relativement bien ses tableaux.: Assez rapidement, après la crise de 1929, Eric et Marie se fiancent. Le mariage a lieu en Normandie et les convives sont assez peu nombreux: des amis d'enfance, des gens de la butte Montmartre, d'anciens étudiants aux Beaux-arts ainsi que la. famille d'Eric. Pour leur voyage de noces, ils partent tous les deux en Italie et découvrent les plus grandes villes, incontournables: Ils passent par Rome, Venise, Florence, Pise: Rome est un enchantement pour le jeune couple: la place d'Espagne, la place du Peuple, la magnifique piazza Navona, les rues de la capitale italienne, ainsi que sa population bigarrée; les ruines, le vieux forum romain, le cirque antique, le Palatin, le Capitole et le célèbre Colisée. Rien n'échappe à la curiosité des jeunes mariés. A Venise, le couple croit se trouver au paradis, découvre la. ville à travers chaque ruelle, chaque canal, chaque petite église et visite le splendide Palais des Doges, la basilique Saint-Marc et le Campanile puis passe sur le célèbre Pont des Soupirs: Ensuite c'est Pise et sa fameuse tour penchée puis Florence et ses jardins suspendus, ses grandes avenues, ses monuments et surtout ses musées. Pour deux artistes vivant dans les milieux de l'art, le voyage entier est une découverte de tous les instants. Lorsqu'ils rentrent à Paris, leurs bagages sont remplis de dessins, d'esquisses, de toiles, d'aquarelles de toutes sortes.

Ils reviennent complètement transformés par tout ce qu'ils ont vu. Les mariés continuent à peindre ainsi qu'à vendre de nombreux tableaux et oeuvres d'art, Leurs talents restent au service d'une créativité qui s'épanouit et se partage entre l'impressionnisme classique et le surréalisme montant. Marie reste plus impressionniste tandis qu'Eric expérimente toutes les possibilités du nouveau courant artistique qui a tant de succès. Mais il ne fait pas qu'expérimenter, il expose aussi les tableaux de ses amis dans diverses galeries et les vend. Le couple a ainsi de nombreuses relations et fait même la connaissance de certains membres du mouvement surréaliste. Le début des années trente est une période très riche dans le domaine artistique. Cependant, assez rapidement, un peu partout à Paris, l'ambiance est moins agréable. En 1933, en Allemagne, Hitler arrive au pouvoir et les années qui suivent sont source d'interrogations. Marie et Eric décident de déménager à Lyon à cette période.

La bourgeoisie lyonnaise apprécie particulièrement la peinture et les nombreuses galeries de la ville sont pour le couple une bénédiction Ils continuent donc à vivre un peu comme à Paris mais se déplacent beaucoup plus. Ainsi, ils partent peindre les paysages de Picardie, ceux de Laon, Soissons, Villers-Cotterêts, mais aussi la cathédrale de Reims. A une autre période, leur art s'épanouit dans les Alpes où, entre deux randonnées en montagne, ils décrivent avec leurs pinceaux les sommets des Alpes françaises, à Chamonix, Annecy, Evian mais aussi en Suisse à Genève, Lausanne ou Montreux. Mais ils ne sont pas loin non plus de la. Côte d'Azur et leur peinture évolue nettement au fil de leurs découvertes à Marseille, à Nice, à Cannes ainsi qu'à Menton et dans les jardins de Monaco. La fin des années trente est donc bercée pour eux de toutes ces découvertes, mais ce qui se profile à l'horizon n'est pas très beau à voir et ils le savent bien.

En 1939, la guerre est déclarée et les milieux artistiques deviennent nettement moins vivants. L'heure est à l'incertitude, les mécènes souvent si sympathiques gardent leur argent bien au chaud. Eric et Marie se sentent en sécurité même en cas de problème grave mais que sont-ils sans leurs amis artistes, sans la peinture qui a besoin du calme et de la paix pour pouvoir évoluer de façon positive? C'est alors que Marie découvre quelque chose que les années de paix laissaient tranquillement dans l'ombre sous le vernis des habitudes: Eric la trompe, il a une maïtresse depuis plusieurs années déjà.

Pendant l'Occupation, Marie va passer les pires années de sa vie. L'angoisse est constante malgré les avantages évidents amenés par le déménagement dans la capitale des Gaules. Mais Marie ne peut se résigner à quitter son homme car il est sa seule famille, car il est riche alors qu'elle a en réalité peu d'argent, car c'est l'amour de sa vie et que sa rencontre est aussi la période où elle a perdu ses parents adoptifs. Alors elle continue à vivre avec lui, leurs rapports se détériorent de plus en plus et qui plus est, la guerre ne semble pas se terminer bientôt. Alors que la Libération approche, le couple est au bord de la rupture. Marie perd ainsi toute sa confiance en l'homme et simultanément toute sa confiance en l'Humanité. Car à cette époque, les pays occidentaux découvrent la Shoah, l'holocauste du peuple juif Rachel, la mère adoptive de Marie, était juive. Marie, elle, n'a pas d'origine juive, elle n'a pas été inquiétée à ce sujet mais elle va quand même accueillir la population qui rentre des camps de la mort et se retrouve à l'Hôtel Lutétia à Paris en 1945. C'est pour elle un acte de solidarité. Cet acte ainsi que la séparation avec l'homme de sa vie va inciter Marie à partir vivre dans un petit village de Savoie, exilée, fatiguée du comportement de l'Humanité ainsi que de celui du sexe prétendument fort. Elle n'a plus qu'un seul amour dans sa vie, ses origines, ce qu'elle ne quittera jamais: la peinture.







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