vendredi 20 mai 2011

"Enquête de sociolinguistique sur le bilinguisme" (2/2) (2011)

Enquête sur le bilinguisme 

Suite et fin

Natalia Galescu, Wafa Khemiri, Paul-Eric Langevin et Chiara Erroi



Le français représente donc essentiellement une langue de culture. D’autre part, on peut considérer que la langue fait partie de la construction de l’identité de chacun, à partir de ses origines. Il peut par conséquent y avoir conflit entre différentes origines, différentes cultures mais aussi harmonie entre les différences. 

L’intégration d’une langue peut se faire en considérant sa richesse à explorer, découvrir, maîtriser. Il s’agit alors de trouver un équilibre entre quête identitaire et découverte des autres cultures pour surmonter les risques opposés que sont le repli sur soi et l’errance dans plusieurs directions… 



Les résultats de l’entretien

La personne enquêtée est  une étudiante en Histoire (20 ans) à Paris 7, dont les langues parlées sont catalan, castillan et français. Nous avons choisi des questions ouvertes afin que l'enquête ait la possibilité de se raconter spontanément; au lieu de choisir des questions directes, qui auraient pu engendrer de la gêne, nous avons opté pour la proposition de thèmes généraux (enfance, famille, école, amis, les langues française, catalane et castillane, université, Paris), et nous avons eu la possibilité de reconstruire son histoire individuelle et une réflexion spontanée sur sa propre représentation de la langue française. On peut remarquer dans notre témoignage un changement de la représentation individuelle du français; de langue dont l'usage n’était réservé qu’au contexte scolaire, le français devient pour notre témoin la langue privilégiée dans les situations communicatives les plus diverses. La famille et les amis, restés dans le pays d'origine, sont les seuls avec lesquels elle continue à utiliser le catalan. De plus, l'enquêtée met en évidence les interférences dont la présence de calques lexicaux ou de formes syntactiques du français dans les énoncés en catalan témoigne. La langue française devient ainsi la langue prioritaire car l'enquêtée déclare ne pas être en contact avec une communauté catalophone à Paris, par conséquent le catalan n'est jamais utilisé pour exclure un autre, à cause de l'absence d'une vie de communauté. Au contraire, notre témoin met en relief son besoin de partager sa langue maternelle, en expliquant ou décrivant certaines expressions ou mots, au fur et à mesure qu'elle construit un lien intime avec un interlocuteur francophone. Néanmoins on ne peut pas parler d'alternance codique car elle est consciente du fait qu'elle ne peut pas utiliser sa langue avec un groupe culturel et linguistique qui ne la partage pas. Dans ce cas spécifique on ne peut parler d'alternance que pour les utilisations intérieures (dans les rêves, dans les calculs et dans l'écriture intime).

En conclusion, l'entretien  témoigne de l'absence dans ce cas spécifique d'un conflit entre les deux langues; en outre, la représentation individuelle de la langue est le reflet  des changements qui caractérisent les relations interpersonnelles. 



Analyse des données et conclusions

Si la langue est propre au groupe et à la communauté, le bilinguisme est bel et bien propre à l’individu en tant qu’alternance de deux langues ou plus chez le même individu. Ainsi, faisant table rase avec le mythe de Babel, le bilinguisme se présente comme  un phénomène sociolinguistique récent en France qui se manifeste par sa pratique quotidienne et son usage familial et dans le cadre scolaire en liaison avec le monde du travail.                                                                                                                       
Dans cette analyse nous nous basons sur des conclusions d’un questionnaire auprès des personnes bilingues pour mettre en lumière quelques données concernant le bilinguisme. Notre questionnaire répond à des interrogations diverses :

Quelle connaissance a l’individu des langues qu’il emploie ? (Dans quelle mesure il est bilingue ?)
A quelle fin utilise t-il ces langues ? (problème de fonction) pour exclure une personne de la conversation/pour s’exprimer plus vite…etc.

Quels rôles jouent ces langues dans la structure globale de son comportement ? De sa personnalité, de son caractère, de son identité ?

Comment et dans quelles conditions se fait le passage d’une langue à une autre ? (problème de l’alternance)

Dans quelles mesures le bilingue arrive t-il à maintenir ses deux différentes langues ? (problématique de l’interférence)

Comment l’une de ces langues peut-elle influencer l’autre ?

On a essayé de mettre en relief le degré de bilinguisme (standard pour la majorité).Ainsi le bilingue peut comprendre également  les deux langues mais peut être incapable de les parler avec la même fluidité (la case «pour m’exprimer plus vite» en témoigne parfaitement).                                    

Toutefois, le degré de compétence dans chacune des deux langues dépend de leurs usages c'est-à-dire de la fonction de la langue et des conditions dans lesquelles il l’utilise. En effet, les contacts linguistiques du bilingue peuvent se réaliser dans la famille, dans la société, au travail…etc.

D’après les données de ce questionnaire, les jeunes s’adaptent vite à cette dichotomie (foyer /communauté) dans leurs comportement linguistiques qui dépendent à leur tour de l’intégrité linguistique de la famille et de l’influence des voisins ,des amis ,des camarades de classe(effet du milieu).Ainsi , le comportement de l’individu peut varier en fonction du milieu et de l’endroit(un bilingue parle une langue au foyer et une langue au travail),selon un registre donné (le standard selon les résultats de notre questionnaire).

De ce fait, le bilinguisme dépend d’une condition bien définie ou simplement de la disponibilité des éléments linguistiques : les émigrés  se limitent à une langue en famille, en couple. D’après notre résultat la majorité des émigrants font recours à leurs langue maternelle et ces langues n’ont d’usage généralement que dans la sphère familiale. Ils ne se servent pratiquement jamais de la langue du travail. C’est ce qui dévoile une meilleure intégration sociale et scolaire des jeunes issus de la migration. Le bilinguisme est presque inégalitaire puisque la langue dite maternelle est en situation d’infériorité (elle est exclue en tant que pratique quotidienne et objet d’apprentissage à l’université et au travail. Néanmoins, l’interférence n’est jamais absente (d’après notre questionnaire). En effet, l’utilisation d’éléments d’une langue dans une autre langue est une caractéristique du discours d’un bilingue; elle varie certes d’un bilingue à un autre (questions 11-12). Ce passage et cette quantité d’interférence dans le comportement global du bilinguisme varient également d’une situation à une autre (question 12). Mais dans certains cas, les interférences peuvent être aléatoires et dans d’autres cas elles peuvent être déterminées (elles font partie du comportement linguistique d’un individu).
Le mélange des deux langues illustre parfaitement la concurrence de deux langues qui se traduit par le choix du passage d’une langue ou bien la sélection de la langue attendue dans une situation donnée : dans quelles conditions se fait l’alternance d’une langue à une autre ?

Quels en sont les facteurs ? (la personne/la situation/le sujet…)

Dans le parler d’un bilingue, la configuration et le nombre des interférences varient selon le moment et les circonstances ; en fonction du contexte que le bilingue veut employer (il peut être inconscient des nombreuses interférences syntaxiques qui glissent dans son discours).                             

Enfin, les motivations pour l’apprentissage d’une langue de la communauté c’est de pouvoir communiquer avec des individus qui comprennent cette langue (choix d’une langue –Pour m’adapter aux autres-Pour m’exprimer plus vite)

Il existe de ce fait un but précis  et c’est en fonction de la représentation de cette langue seconde (qu’elle soit positive ou négative ; question 14) par opposition à ‘l’intercommunication ‘selon l’expression de GAMMONT qui est souvent sans but pratique : la perfection de la langue prime sur l’apprentissage ou le fait d’avoir répondu à un besoin. 



Bibliographie

Calvet, Louis-Jean, La sociolinguistique, que sais-je ?, PUF, 1993

Calvet, Louis-Jean, La guerre des langues et les politiques linguistiques, Hachette, 1987

Boyer, Henri, Eléments de sociolinguistique, Dunod, 1991

Boyer, Henri, Introduction à la sociolinguistique, Dunod, 2001

Hagège, Claude, L’enfant aux deux langues, Odile Jacob, 1996

Moore, Danièle, Plurilinguismes et école, Didier, 2006

Zongo, Bernard, Le parler ordinaire multilingue à Paris, l’Harmattan, 2004

Gajo, Laurent, Travaux neuchâtelois de linguistique, 2000, 32, 39-53 Disponibilité sociale des représentations: approche linguistique, Universités de Neuchâtel et Lausanne

Travaux neuchâtelois de linguistique, 2000, 32, 55-76 Définir le bilinguisme.

Elmiger, Daniel, Catalogue des critères retenus pour la définition discursive du bilinguisme,
Université de Neuchâtel

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