Analyse phonétique d’un extrait sonore
La logique du vivant
La logique du vivant
François Jacob rencontre Claude Levi-Strauss
Adresse de l’extrait sonore:
http://www.ina.fr/economie-et-societe/education-et-enseignement/video/CPF86655639/la-logique-du-vivant-francois-jacob-rencontre-claude-levi-strauss.fr.html
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Transcription de l’extrait sonore en texte :
François Jacob : «Alors on pourrait p’t-être croire que nous avons souvent ce genre de discussion tous les deux puisque nous appartenons à une même institution, l’Collège de France et que cette institution a la vertu de permettre les échanges, de permettre à chacun d’y m’ner c’qu’il considère comme sa discipline aussi loin qu’il, qu’il le peut ou qu’il le veut et en fait rien n’est plus faux car on n’se rencontre que très rarement , on n’a que très rarement l’occasion de discuter certains des problèmes qui certainement nous intéressent tous les deux et je n’crois pas d’ailleurs que la présence des caméras d’télévision facilite les échanges… »
Claude Levi-Strauss : «Il y a quelque chose de paradoxal enfin dans cette rencontre qui a été provoquée aujourd’hui précisément parce que elle tend probablement ou elle vise j’imagine dans l’esprit des organisateurs à donner aux téléspectateurs l’impression de ce que sont les rapports de chercheurs et d’intellectuels et en effet comme euh vous dites euh disons ça n’est malheureusement euh pas le cas et je ne sais pas très bien pourquoi en réalité euh parce que j’imagine enfin nous sommes plus ou moins intimidés euh par les spécialités les uns les autres… les uns des autres et du fait que nous nous trouvons dans une maison où un grand nombre de spécialités différentes se trouvent réunies ce qui devrait faire sa force fait peut-être sa faiblesse… »
Transcription du texte en phonétique :
F.J. :
[alɔʁɔ̃puʁɛptɛtʁkʁwaʁkənuzavɔ̃suvɑ̃səʒɑ̃ʁdədiskysjɔ̃tuledøpyiskənuzapaʁtə nɔ̃aynmɛmɛ̃stitysjɔ̃lkolɛʒdəfʁɑ̃sekəsɛtɛ̃stitysjɔ̃alavɛʁtydəpɛʁmɛtʁaʃakɛ̃dimnes kilkɔ̃sidɛʁkɔmsadisiplinosilwɛ̃kilkiləpøukiləvøeɑ̃fɛtʁiɛ̃nɛplyfokaʁɔ̃nsəʁɑ̃kɔ̃tʁkə tʁɛʁaʁmɑ̃ɔ̃nakətʁɛʁaʁmɑ̃lokazjɔ̃dədiskytesɛʁtɛ̃depʁoblɛmkisɛʁtɛnmɑ̃nuzɛ̃te ʁɛstuledøeʒənkrwapadajœʁkəlapʁezɑ̃sdekameʁadtelevizjɔ̃fasilitlezeʃɑ̃ʒ…]
C.L.S. :
[iljakɛlkəʃozdəpaʁadoksalɑ̃fɛ̃dɑ̃sɛtʁkɔ̃tʁkiaetepʁovokeoʒoʁdwipʁesizemɑ̃ paʁsəkəɛltɑ̃pʁobabləmɑ̃uɛlvizʒimaʒindɑ̃lɛspʁidezɔʁganizatœʁadɔneotele spɛktatœʁlɛ̃pʁɛsjɔ̃dəsəkəsɔ̃leʁapɔʁdəʃɛʁʃœʁedɛ̃tɛlɛktyɛleɑ̃nɛfɛkɔmøvuditø dizɔ̃sanɛmaløʁøzmɑ̃øpaləkaeʒənəsɛpatʁɛbjɛ̃puʁkwaɑ̃ʁealiteøpaʁsəkəʒima ʒinɑ̃fɛ̃nusɔmplyzumwɛ̃zɛ̃timideøpaʁlespesjalitelezɛ̃lezɔtʁlezɛ̃dezɔtʁedyfɛtkə nunutʁuvɔ̃dɑ̃zynmɛzɔ̃uɛ̃gʁɑ̃nɔ̃bʁədəspesjalitedifeʁɑ̃tsətʁuvʁeynisəkidəvʁɛ fɛʁsafɔʁsfɛpøtɛtʁsafɛblɛs…]
[iljakɛlkəʃozdəpaʁadoksalɑ̃fɛ̃dɑ̃sɛtʁkɔ̃tʁkiaetepʁovokeoʒoʁdwipʁesizemɑ̃ paʁsəkəɛltɑ̃pʁobabləmɑ̃uɛlvizʒimaʒindɑ̃lɛspʁidezɔʁganizatœʁadɔneotele spɛktatœʁlɛ̃pʁɛsjɔ̃dəsəkəsɔ̃leʁapɔʁdəʃɛʁʃœʁedɛ̃tɛlɛktyɛleɑ̃nɛfɛkɔmøvuditø dizɔ̃sanɛmaløʁøzmɑ̃øpaləkaeʒənəsɛpatʁɛbjɛ̃puʁkwaɑ̃ʁealiteøpaʁsəkəʒima ʒinɑ̃fɛ̃nusɔmplyzumwɛ̃zɛ̃timideøpaʁlespesjalitelezɛ̃lezɔtʁlezɛ̃dezɔtʁedyfɛtkə nunutʁuvɔ̃dɑ̃zynmɛzɔ̃uɛ̃gʁɑ̃nɔ̃bʁədəspesjalitedifeʁɑ̃tsətʁuvʁeynisəkidəvʁɛ fɛʁsafɔʁsfɛpøtɛtʁsafɛblɛs…]
Observations sur la prononciation des consonnes et des voyelles :
En ce qui concerne le tour de parole de François Jacob, le mot «peut-être» est réalisé sous la forme «p’têtr’» ; en ce qui concerne «le Collège de France», c’est réalisé sous la forme «l’Collège de France» ; le verbe «mener» est prononcé «m’ner», la locution «ce qu’il considère» est prononcée «c’qu’il considère» ; le «qu’il» avant «qu’il le peut ou qu’il le veut» est réalisé deux fois, sans doute à cause d’une hésitation du locuteur ; «on ne se rencontre» est réalisé sous la forme «on n’se rencontre» ; « je ne crois pas» sous la forme «je n’crois pas» ; «caméras de télévision» sous la forme «caméras d’télévision» ; une des occurrences du mot «institution» est prononcée avec un «in» long ; de plus, il y a de temps en temps des pauses dans le discours : dans «en fait rien n’est plus faux» il y a une pause après «en fait», dans «et je ne crois pas d’ailleurs» il y a une pause après «et», dans «et que cette institution», une pause après «que».
Globalement, Jacob ne prononce pas les «schwa» et fait de temps en temps des pauses entre les mots pour rendre son discours plus clair.
En ce qui concerne le tour de parole de Claude Levi-Strauss, certains «schwa» sautent de la même façon : «ça n’est pas le cas» est réalisé sous la forme «ça n’est pas l’cas», «ce qui devrait faire sa force» est prononcé «c’qui d’vrait faire sa force», «je ne sais pas très bien pourquoi» est prononcé «je n’sais pas très bien pourquoi». D’autres part, une caractéristique de ce locuteur est de rajouter des «euh» dans le discours pour prendre le temps de la réflexion et de prolonger certains «schwa» déjà présents. En effet, on a «comme, euh, vous dites, euh, disons ça n’est malheureusement, euh, pas le cas… », «elle vise, euh, j’imagine…». Certaines voyelles sont des variantes de la prononciation courante comme dans «maison» qui est réalisé sous la forme «méson», certaines consonnes sont omises ou bien rendues muettes, comme dans «intellectuels» qui est réalisé sous la forme «inte’ectuels». Globalement, il y a peu de pauses chez Levi-Strauss contrairement au discours de Jacob mais par contre, on a la présence de nombreuses hésitations du type «euh» dans le discours.
En ce qui concerne les répétitions et les lapsus, nous avons la répétition de «qu’il» chez François Jacob, qui marque manifestement la réflexion, ainsi que la répétition et la correction du syntagme «les uns les autres» chez Claude Levi-Strauss qu’il corrige en «les uns des autres». D’autre part, l’hésitation avant de prononcer le mot «téléspectateurs» fait penser qu’il a voulu sans doute dire «spectateurs» puis qu’il s’est corrigé par la suite.
Observations prosodie :
Dans le discours de François Jacob, des tons hauts sont présents en général en fin de proposition ou en fin de syntagme comme dans «on pourrait peut-être croire» où il y a un ton haut sur le verbe «croire», dans «institution» où il y a un ton haut sur la syllabe «tion», dans «qu’il le peut ou qu’il le veut» où il y a un ton haut sur chacun des verbes «peut» et «veut», dans «et en fait» où il y a un ton haut sur «fait», dans «on ne se rencontre que très rarement, on n’a que très rarement…» où il y a un ton haut sur «ment» dans les deux cas, dans «le Collège de France» où il y a un ton haut sur le mot «France».
Dans le discours de Claude Lévi-Strauss, on a le même phénomène à savoir des tons hauts souvent en fin de syntagme ou de proposition comme dans «paradoxal» où il y a un ton haut sur «xal», dans «elle tend ou elle vise» où il y a un ton haut sur chacun des verbes «tend» et «vise», dans «aujourd’hui» où il y a un ton haut sur «hui», dans «organisateurs» où il y a un ton haut sur «teurs», dans «intellectuels» où il y a un ton haut sur «tuels», dans «je ne sais pas très bien pourquoi» où il y a un ton haut sur «pourquoi», dans «nous sommes plus ou moins intimidés» où il y a un ton haut sur «intimidés», dans «ce qui devrait faire sa force fait peut-être sa faiblesse» où il y a un ton haut sur «force» et un sur «fai», dans «maison» où il y a un ton haut sur «mai».
François Jacob
Sur les voyelles. Un premier fait notoire est l’absence de prononciation de certains «e» qui pourtant ne sont pas muets. Ce phénomène, s’il est prédominant, n’est pas systématique. L’on entend par exemple le locuteur prononcer le «e» de certains mots à d'autres endroits, de façon relativement claire et prolongée (c’est-à-dire plus «continue»).
Une autre remarque qui peut être émise sur la prononciation des voyelles est la tendance systématique à réduire tous les «a» à des voyelles plus arrières (plus postérieures) ce qui donne à entendre que des «a» tels qu’ils sont prononcés dans le mot «pâte».
A noter que l’interjection «euh», parfois, est prononcée en cas d’hésitation (mais de façon moins intensive que chez Claude Levi-Strauss).
Sur les consonnes. Une des caractéristiques a trait aux occlusives dont la phase explosive est particulièrement marquée ; au moment où les articulateurs - précédemment en contact - se disjoignent, on entend avec netteté la consonne prononcée.
Sur la prosodie. Débit et rythme sont variables. Les hésitations, pendant lesquelles le nombre de voyelles prononcées diminue, correspondent à un débit plus faible. Mais parfois, le locuteur semble ralentir volontairement son débit de parole. Quand de cette façon le débit chute, c’est à la faveur d’une prononciation plus sûre avec un effort articulatoire accru, donnant l’impression que le locuteur cherche à attirer notre attention sur tel point du discours.
La fonction émotive du langage n’est pas mise en jeu. Parmi les variations prosodiques remarquées, visiblement aucune n’est à mettre sur le compte d’une quelconque émotion qu’éprouverait le locuteur et qui transparaîtrait à ce niveau. Ou bien faudrait-il considérer qu’une certaine lassitude ou qu’une suffisance du locuteur soit à l’origine de cette stabilité de ton. Mais dans l’ensemble c’est plutôt la neutralité qui domine.
Claude Lévi-Strauss
Sur les voyelles. A la différence de François Jacob, Claude Lévi-Strauss n’omet pas de prononcer la voyelle «e», appuyant même parfois certains «e» muets.
L’autre particularité est l’allongement de certaines voyelles, comme le «i», principalement pour insister sur la valeur particulière du mot en question.
Il faut noter que tous les «a» prononcés le sont à la façon d’un «a» postérieur (le «a» de pâte).
Sur les consonnes. Il y a une insistance sur certaines consonnes occlusives dont la phase explosive est alors très nette.
Un phénomène particulier (accidentel?) intervient lors de la prononciation du mot "intellectuel" dont le « -ll- » n’est pas prononcé ou si faiblement qu'il est presque indiscernable (son "mouillé").
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