Article
paru en février 1941 dans le numéro 1 de "La Pensée libre"
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L'obscurantisme au vingtième
siècle
Georges Politzer
Le discours
que M. Rosenberg est venu prononcer à Paris en novembre dernier (1940), et qui
fut publié sous les titres « Sang et Or » et « Règlement de comptes avec les
idées de 1789 », était destiné à produire sur nous une très grande impression.
C'est pour
la première fois, en somme, que les mystères de la Rassenseele étaient révélés
directement à l'usage des Français dans le cadre solennel et symbolique, du
moins on le croyait, de la salle des séances de la Chambre des Députés.
Et les
Français devaient éprouver ou, selon la terminologie de M. Rosenberg, « erleben
», « vivre » non pas simplement l'étalage de la force, mais la puissance de
l'idée.
Ils devaient
retirer du discours de M. Rosenberg cette conviction que le « Règlement de
comptes avec les idées de 1789 » n'était pas uniquement le nom donné à la
destruction de la démocratie par la force, mais l'avènement d'une idéologie «
supérieure » ; qu'il y avait au fond du racisme hitlérien que M. Rosenberg
appelle « l'idéologie du vingtième siècle », des vérités autrement vraies que
celles que nous avons puisées dans les Essais, dans le Discours de la Méthode,
dans les Provinciales, dans l'Encyclopédie et, d'une manière plus générale,
dans la science et dans la philosophie ; que les pompes et les décors du
racisme nous introduisaient dans l'intimité de penseurs autrement grands et
vrais que ces Montaigne, Descartes, Pascal, Voltaire, Rousseau, d'Alembert,
Diderot, Hegel, Karl Marx et autres « penseurs exaltés » qui ne doivent, en fin
de compte, leur réputation surfaite qu'à l'habileté diabolique des
francs-maçons et des juifs.
Et la
tribune de la Chambre des Députés devait apparaître aux Français comme un
nouveau Mont Sinaï d'où M. Rosenberg leur révèle, par magnanimité, au son des
fifres et aux accents du « Horst-Wessel-Lied », la nouvelle Table de nos
valeurs intellectuelles.
Mais les
Français sont très peu « wagnériens », au sens où Nietzsche entendait ce mot.
Ils ont trop peu de « religiöses Gemüth » ( âme religieuse ) pour oublier que
les rôles de Wotan et de Siegfried sont tenus par des acteurs du vingtième
siècle, et que les éclairs métaphysiques sont fournis par les trusts de
l'électricité.
M.
Rosenberg, qui était venu à Paris pour proclamer la mort de la Révolution
française, a manqué tous ses effets à cause des traces bien vivantes qu'elle a
laissées dans l'âme des Français.
On s'est mis
alors à nous recommander son discours au nom des qualités raisonnables d'une
bonne thèse de Sorbonne.
Il y a là,
disait la propagande officielle, "un système d'idées parfaitement
cohérent, étayé sur une très convaincante interprétation de l'histoire et sur
une analyse serrée des réalités" (sous la signature d'un sieur Luchaire,
dans Les nouveaux Temps).
Partant à la
conquête de la « France raisonneuse » - das räsonierende Frankreich - comme
nous appelle aigrement la presse de M. Hitler, la "Rassenseele" a
provisoirement ravalé ses mystères pour se déguiser en logique.
L'impresario
du Mythe-immémorial-qui-éclaire-de-sa-flamme-à-
nouveau-jaillie-le-sens-caché-des-millénaires, a décommandé l'apparition
fulgurante, et le programme annonce un système d'idées parfaitement cohérent,
une interprétation convaincante de l'histoire et une analyse serrée des
réalités.
Ces
éminentes qualités intellectuelles, le racisme en général, et le discours de M.
Rosenberg en particulier, les possèdent, mais mystiquement.
Système
d'idées parfaitement cohérent : M. Rosenberg a consacré un ouvrage de 712 pages
("le Mythe du vingtième siècle"), à expliquer que le racisme est un
mythe, et non une vérité, et trois volumes à affirmer la vérité du racisme (les
trois volumes de "Blut und Ehre", Sang et Honneur).
Le racisme
explique que la « race » est une « donnée biologique », donc matérielle, et, en
même temps, une âme, l'âme raciale, la "Rassenseele", donc une donnée
« idéale ».
M. Rosenberg
affirme que la découverte de la "Rassenseele" est une révolution
scientifique comme la révolution de Copernic il y a 400 ans ("Blut und
Ehre" tome 2) et M. Rosenberg affirme que la "Rassenseele" est
un mystère.
Il affirme
que derrière la "Rassenseele" il y a le Sang et en même temps, que
nous ne pouvons pas connaître ce qu'il y a derrière la "Rassenseele"
( "le Mythe du vingtième siècle" ).
M. Rosenberg
dit à Paris que le but de la guerre de l'Allemagne, c'est la libération des
peuples, et M. Hitler dit à Berlin que le but de guerre de l'Allemagne est de
conquérir des colonies ( discours du 10 décembre 1940 ).
M. Rosenberg
dit, dans son discours de Paris, que l'Allemagne hitlérienne libèrera les
peuples de l'étalon-or international et il dit, dans le même discours, que l'or
sera dans l'avenir étalon international.
L'hitlérisme
se réclame du socialisme et il préconise le maintien du « bon capitalisme » des
monopoles.
Interprétation
convaincante de l'histoire : L'histoire est, selon M. Rosenberg, déterminée par
la « donnée biologique de la race », et l'histoire n'est que l'oeuvre de la
Providence.
L'histoire
est la lutte des races ; la luttes des races est une lutte des âmes ; la lutte
des âmes est une lutte des "Rassenseelen", et la lutte des
"Rassenseelen" est un mythe, c'est-à-dire une fable.
Il n'y a pas
d'histoire de l'humanité.
Les peuples n'ont pas d'histoire.
Ils ont des mythes religieux qui, dès le début, représentent tout ce qui peut
leur arriver.
Leur histoire n'est qu'une métempsychose des personnages de leurs mythes.
L'interprétation
convaincante de l'histoire de M. Hitler, c'est qu'il est Siegfried ( "le
Mythe du vingtième siècle" ).
M. Rosenberg
affirme qu'il n'y a pas de vérité historique. Le rôle de l'historien est
d'apprécier le passé à travers les besoins du présent.
Les besoins
du présent sont ceux du « national-socialisme » ( "Die Freiheit der
Wissenschaft", dans "Blut und Ehre", tome 2 ).
Ils sont fixés par décrets d'Etat.
L'interprétation
convaincante est celle qui refait l'histoire selon les nécessités de la
propagande national-socialiste, et la théorie de la méthode historique est un
plaidoyer en faveur de la falsification de l'histoire.
Analyse
serrée des réalités : La "Rassenseele" est, selon M. Rosenberg, la
connaissance ultime derrière laquelle il ne nous est pas donné de remonter
("Le Mythe du vingtième siècle").
Même si l'analyse
de la réalité nous le permet et nous y oblige.
La ploutocratie anglaise est dénoncée, mais la ploutocratie allemande est
passée sous silence.
Les capitalistes juifs sont « analysés », mais les capitalistes aryens sont
passés sous silence.
L'hitlérisme
se proclame « socialiste », mais le capitalisme allemand est passé sous
silence, et M. Rosenberg a évoqué à Paris le « diktat » de Versailles en
gardant le silence sur le fait que l'Allemagne hitlérienne veut imposer à la
France un « diktat » sans précédent.
On retrouve
les mêmes qualités intellectuelles dans l'« analyse » que M. Rosenberg a
consacrée à la Révolution française, en promettant de considérer cet événement
« avec la plus profonde compréhension pour les processus historiques ».
Système
d'idées parfaitement cohérent : Pendant plus de quinze ans, M. Rosenberg
proclamait que la Révolution française était un complot de juifs et de
francs-maçons.
Dans son
discours de Paris, il a affirmé qu'elle était une révolte légitime du peuple
français.
Il a affirmé également qu'elle était une preuve de forces vitales non encore
brisées et en même temps une heure de faiblesse dans notre histoire.
Interprétation
très convaincante de l'histoire : M. Rosenberg voulait « condamner » la
Révolution française et faire acte d'habile politique en ménageant notre «
susceptibilité ».
Il a voulu « nuancer » ses diatribes.
Il a donc proclamé que la Révolution française avait deux côtés, le bon et le
mauvais.
Le bon côté,
c'était la Révolution, le mauvais côté, le contenu de la Révolution ; la
Révolution n'était pas mauvaise en elle-même ; elle n'a été mauvaise qu'en
étant ce qu'elle a été.
Il y avait,
d'un côté, la Révolution française, « soulèvement » du peuple français « contre
les phénomènes de dégénérescence de l'époque dynastique » et de l'autre, la
Révolution française, soulèvement du peuple français pour le renversement de
«l'époque dynastique».
Le
soulèvement contre était légitime, le soulèvement pour était un désastre.
A l'origine,
en effet, il y avait un soulèvement sans idées et des idées sans soulèvement.
Le
soulèvement sans idées sortait du peuple, les idées sans soulèvement de la tête
de « penseurs exaltés ».
La
Révolution française n'était pas mauvaise en elle-même.
Le malheur
est que ces idées qui n'avaient pas de soulèvement sont devenues les idées de
ce soulèvement. La Révolution française n'était pas mauvaise en elle-même.
Car il y
avait, d'une part, la révolution sans les droits de l'homme, et d'autre part,
les droits de l'homme sans la révolution. Le malheur est que la révolution sans
les droits de l'homme soit devenue la Révolution des Droits de l'Homme.
Et comment
cette rencontre a-t-elle pu se produire ?
Comment ces idées qui n'avaient pas de soulèvement ont-elles pu devenir les
idées de ce soulèvement?
Comment cette révolution, qui n'avait pas de contenu, a-t-elle pu devenir la
révolution avec son contenu ?
Comment la « révolte légitime du peuple français » qui existait d'une part et
les Droits de l'Homme qui existaient d'autre part ont-ils pu se rencontrer ?
Et précisément en 1789 ?
Comment se
fait-il que la Révolution française soit devenue la Révolution des Droits de
l'Homme et que les Droits de l'Homme soient devenus la déclaration de cette
Révolution ?
Une heure de
faiblesse dans l'histoire de la France, répond solennellement M. Rosenberg.
L'une des
plus grandes révolutions de l'Humanité devait son contenu à « une heure de
faiblesse » ; le renversement de la féodalité, l'apparition de la république
bourgeoise démocratique dans le monde, « heure de faiblesse », voilà une
interprétation très convaincante de l'histoire, plus convaincante que celle qui
l'explique par le péché.
Il est vrai
que le péché est également une faiblesse.
Analyse
serrée des réalités : Les idées de 1789 ont été élaborées selon M. Rosenberg
par des «penseurs exaltés».
Ces «
penseurs exaltés » ont fait l'Encyclopédie. Mais l'Encyclopédie n'est pas citée
dans le discours de M. Rosenberg.
L'Encyclopédie
suppose tout le développement scientifique qui s'accélère depuis la
Renaissance, mais M. Rosenberg ne fait aucune allusion à ce développement.
Dans le
Discours préliminaire, d'Alembert rattache, très justement, l'Encyclopédie au
Discours de la Méthode, et désigne Descartes comme un grand précurseur de la
lutte pour les lumières.
Mais d'Alembert
et Descartes ne sont pas cités par M. Rosenberg. Le directeur de l'Encyclopédie
était un certain Denis Diderot.
Ce Diderot
professait le matérialisme philosophique.
Le
matérialisme philosophique résultait d'un développement dont l'étude nous
ramène à Francis Bacon.
Mais dans le
discours de M. Rosenberg, il n'est question ni de Diderot, ni du matérialisme
français du dix-huitième siècle, ni de Bacon, ni même de Locke.
Analyse
serrée des réalités de la part de quelqu'un qui a fait exprès le voyage de Berlin
à Paris pour régler des comptes avec les idées de 1789.
« Idées de
penseurs exaltés » - voilà l'analyse serrée des réalités. Pourquoi ces idées
n'ont-elles pas été élaborées par les penseurs exaltés du dix-huitième siècle ?
Pourquoi l'«
heure de faiblesse », par laquelle M. Rosenberg explique le rapport entre la
Révolution française et son idéologie ne s'est-elle pas produite deux siècles
plus tôt ou deux siècles plus tard?
« La
question ne sera pas posée », répond l'analyste serré des réalités.
Mais, en
fait, combien de temps a duré cette « heure de faiblesse » ?
Est-ce en
une heure que le matérialisme philosophique est devenu, comme l'a montré Engels
( introduction à "Socialisme utopique et socialisme scientifique" ),
l'idéologie de toute la jeunesse cultivée, à la veille de la Révolution ?
Est-ce que
cette jeunesse cultivée n'appartenait pas, en majeure partie, à la bourgeoisie
?
Pourquoi la
bourgeoisie a-t-elle adopté cette doctrine ?
Pourquoi la
bourgeoisie révolutionnaire s'était-elle alliée avec la science ?
De qui, en
réalité, « la faiblesse » était-elle la faiblesse ?
De
l'aristocratie, parce qu'elle a adopté, en partie, les auteurs du dix-huitième
siècle ?
Alors, nous
sommes ramenés à la « Théorie d'Action française » selon laquelle « c'est la
faiblesse des élites » qui a fait la Révolution.
Ou
s'agissait-il de la faiblesse de la bourgeoisie révolutionnaire ?
Mais si elle
était faible, comment a-t-elle pu faire la Révolution ?
Ou, enfin,
s'agissait-il de la faiblesse intellectuelle, de la « crédulité enfantine » du
peuple, comme dit M. Rosenberg ?
Mais si le
peuple était intellectuellement si faible, si crédule à l'égard des idées de
1789, pourquoi n'était-il pas aussi crédule à l'égard des exhortations féodales
et des prédications religieuses ?
Pourquoi les
cahiers n'ont-ils pas réclamé le statu quo ?
Et pourquoi
ne se sont-ils pas bornés à protester contre le statu quo, pourquoi ont-ils
réclamé des changements très précis, inspirés des « idées de 1789 » ?
Mais de tout
cela, l'analyste serré des réalités ne fait pas la moindre mention.
Les idées de
1789 étaient des idées de « penseurs exaltés » ?
Mais est-ce
que ces penseurs pensaient dans les espaces imaginaires ou bien dans la société
française réelle du dix-huitième siècle ?
Est-ce que
les idées n'ont pas un contenu et les nouvelles idées sociales et politiques du
dix-huitième siècle ne se sont-elles pas répandues parce qu'elles exprimaient
les nouveaux besoins de la société ?
Est-ce que
ces idées nouvelles n'étaient pas en lutte contre l'héritage idéologique du
moyen âge féodal?
Est-ce que
cette lutte des idées nouvelles contre les idées anciennes n'étaient pas
l'expression de la lutte d'un monde nouveau contre un monde ancien, la
féodalité ?
La féodalité
?
Mais elle n'existe pas pour M. Rosenberg.
Pour M. Rosenberg, la Révolution française n'a pas renversé la féodalité.
Il n'en est pas question dans son discours.
Le mot même de féodalité n'est pas prononcé.
Derrière la
Révolution en-tant-que-révolte, il y avait « les phénomènes de dégénérescence
de l'époque dynastique », et derrière ces phénomènes de dégénérescence, il n'y
avait rien.
La
révolution en-tant-que-révolte était un soulèvement du peuple, mais ce peuple
était un-peuple-en-général qui n'avait pas de composition sociale.
Au
dix-huitième siècle, en France, selon M. Rosenberg il n'y avait ni
aristocratie, ni bourgeoisie.
Il n'y avait pas de paysans et il n'y avait pas de terre.
Il n'y avait pas de production et il n'y avait pas de commerce.
La production était uniquement celle de pensées dans la tête de penseurs
exaltés et la distribution celle de mots d'ordre pernicieux dans les Loges
maçonniques.
Du reste, les francs-maçons étaient des hommes-en-général ; ils n'étaient ni
aristocrates, ni bourgeois, ni paysans, ni artisans, ni ouvriers.
Ils étaient « francs-maçons ».
Il en était
de même pour les juifs, qui avaient, selon une révélation de M. Rosenberg,
acheté la Constituante avec un argent dont M. Rosenberg ne recherche jamais les
origines et qui leur avait été envoyé sans doute directement par Jéhovah, car,
d'une manière générale, aristocrates, bourgeois, paysans, artisans et ouvriers
vivaient, au dix-huitième siècle, d'amour, d'eau fraiche et de littérature
exaltée.
Qui pourrait
encore appeler le dix-huitième siècle le siècle des lumières ?
Cette
appellation implique une contradiction, c'est une absurdité. On dit que le
dix-huitième siècle a été le siècle des lumières parce qu'il y a eu la lutte
contre l'obscurantisme.
Mais la
lutte contre l'obscurantisme prouve qu'il y avait l'obscurantisme.
Conclusion :
le dix-huitième siècle ne saurait être le siècle des lumières.
Et M.
Rosenberg dit dans son discours : « Il se révèle, en effet, lorsque l'on
considère non seulement ces soi-disant constructions de la Raison du
dix-huitième siècle, mais toute la vie d'alors, que ce dix-huitième siècle
était quand même une époque où régnaient l'alchimie et où la magie mystérieuse
était toujours vivante.
Vivaient et
régnaient à cette époque, non seulement les Voltaire, mais encore les
Cagliostro. »
C'est la
seule mention de Voltaire dans le discours de M. Rosenberg.
Mais il est
suffisamment clair que le siècle des lumières eut été vraiment le siècle des
lumières, s'il n'y avait eu rien à éclairer ; que l'Aufklärung mériterait son
nom, s'il n'y avait eu rien ni personne à aufklären, et le dix-huitième siècle
serait vraiment le dix-huitième siècle s'il n'avait pas été le dix-huitième
siècle.
L'analyse
vraiment serrée des réalités est évidemment celle qui les serre jusqu'à
l'étouffement.
On dit
qu'une idéologie est une anticipation.
Il est certain que M. Rosenberg anticipe.
Son discours s'adresse à l'homme inculte dont il poursuit la création par la
force et par la ruse.
Si, pendant
un siècle, les Français avaient déjà été soumis aux divers procédés de
l'éducation national-socialiste, en vase clos, sans subir la moindre influence
extérieure, alors, peut-être, le discours de M. Rosenberg aurait pu passer, non
pour une révélation idéologique, car il faudrait pour cela plusieurs siècles
d'inculture générale, mais du moins pour une manifestation idéologique.
Nous n'en
sommes pas là et, pour des raisons que M. Rosenberg et ses collègues cherchent
vainement à conjurer, nous n'y arriverons jamais.
La
révélation des mystères du Sang et de l'Or et l'annonce faite à la France d'une
Nouvelle Table de la Loi est un très lourd et très laborieux discours qui ne
nous révèle pas autre chose que les thèmes actuels de la Kriegspropaganda
allemande et le diktat intellectuel qui doit accompagner le nouveau « diktat »
qu'on se propose de substituer à celui de Versailles.
La «
Kriegspropaganda » de l'impérialisme allemand
Dans
"Mein Kampf", M. Hitler a longuement analysé la propagande des
belligérants en 1914-1918.
Il a exprimé
son admiration pour la propagande de guerre des Alliés, en accusant, par
contre, la Kriegspropaganda de l'Allemagne impériale d'avoir été lourde,
inaccessible aux masses et dépourvue de dynamisme.
Exposant, en
même temps, sa façon de concevoir la propagande, il a défini celle-ci
explicitement comme une « réclame politique » qui doit emprunter ses procédés à
la réclame commerciale.
La
propagande politique, expliquait-il, n'a pas pour objet de porter la vérité
objective devant les masses. En le faisant, elle manquerait son but tout autant
- et cette comparaison est de l'auteur de Mein Kampf - qu'une affiche qui
voudrait lancer un savon, en vantant aussi les marques concurrentes.
L'incompréhension
de ces principes a fait, selon M. Hitler, l'insuffisance de la Kriegspropaganda
en 1914 et cette insuffisance est devenue une des causes de la défaite en 1918.
A Paris, M.
Rosenberg est revenu sur ce thème. « L'Allemagne n'a trouvé en 1914, a-t-il
dit, comme mot d'ordre, que la simple défense du peuple et de la patrie ; elle
n'était pas portée par une idée unificatrice, par la volonté d'atteindre un
grand but. »
Simple
défense du peuple et de la patrie.
Quand il s'agissait de lutter pour le partage du monde !
En vérité, c'était se lancer à la conquête du marché mondial avec un slogan
d'épicier.
Ce
Bethmann-Hollweg et ses junkers n'avaient rien compris à la réclame politique
de l'impérialisme pour le temps de guerre.
Voilà le
fond de la pensée de M. Rosenberg.
Les Alliés,
eux, avaient compris. Ils avaient trouvé « la volonté d'atteindre un grand but
».
Ils avaient
proclamé que l'Allemagne était La Force et qu'ils étaient, eux, Président de la
République Française, Roi d'Angleterre, Tzar de Russie, leurs capitalistes,
leurs politiciens chauvins et social-chauvins, Le Droit.
La guerre
impérialiste pour le nouveau partage du monde devenait la guerre du droit
contre la force.
Ils avaient
appelé la suprématie de leur force la primauté du droit et la guerre pour
l'hégémonie par la force la guerre pour la primauté du droit sur la force.
Les Alliés,
étant le Droit, étaient aussi, et nécessairement, la justice et la
civilisation. Leur victoire devait donc être la victoire du droit, de la
justice et de la civilisation.
Il devait en
sortir un monde nouveau, où le règne du droit ayant remplacé celui de la force,
les rapports entre les peuples allaient être réglés, non plus à la façon
barbare, par la guerre, mais selon un arbitrage conforme aux principes de la
morale internationale, produit suprême de la victoire du droit.
Au monde
éclairé par ses contradictions devait succéder une « Société des Nations »
gardienne de la morale internationale et rempart contre la guerre.
La première
guerre impérialiste devenait ainsi, du côté des Alliés, une guerre à la guerre
elle-même et, au cas où les Alliés triompheraient, « la dernière bataille », la
dernière des guerres.
Voilà
l'audacieuse trouvaille qui suscitait l'admiration de M. Hitler, à l'époque
déjà où les sphères dirigeantes de la bourgeoisie allemande partaient à la
recherche d'une Kriegspropaganda, pour la deuxième guerre impérialiste.
Dans son
discours de Paris, M. Rosenberg a fait entendre que l'hitlérisme a apporté la
solution de ce problème et que la Kriegspropaganda de 1939-40 est bien
supérieure à ce qu'elle fut du côté de l'Allemagne en 1914-18. La
Kriegspropaganda hitlérienne reprend les thèmes tant admirés de la propagande
de guerre des Alliés en 1914-1918.
C'est dans
la présentation et dans la justification de ces promesses que consiste la
principale innovation.
Si, en
1914-1918, les Alliés ont appelé l'Allemagne « la Force », eux-mêmes « le Droit
», en 1940-41, l'impérialisme allemand baptise ses adversaires « l'Or »,
ploutocratie, haute finance, et il s'appelle lui-même « le Sang ».
La guerre
pour le nouveau partage du monde, la plus capitaliste de toutes les guerres,
devient la lutte du Sang contre l'Or, une lutte anticapitaliste, et M. Hitler a
parlé explicitement, dans l'un de ses récents discours, d'une guerre entre deux
mondes, où l'Angleterre incarne le Capitalisme.
La démagogie
anticapitaliste est transportée du plan de la politique intérieure sur le plan
de la Kriegspropaganda.
Les guerres
impérialistes sont, comme dit Lénine, des « guerres de conquête, de pillage et
de brigandage ».
Ce sont des
guerres inavouables devant les peuples, sans lesquels on ne peut les conduire.
Le rôle de la propagande de guerre, de la Kriegspropaganda, est de transformer
la guerre inavouable en guerre acceptable, la guerre injuste en guerre juste.
La
Kriegspropaganda hitlérienne présente la guerre impérialiste, elle aussi, comme
la guerre du droit, comme une guerre juste.
Elle affirme que sa victoire signifierait la paix durable.
Elle fait comme tous les belligérants en 1914-18, comme Daladier et Reynaud en
1939-45, comme Churchill en 1939-40-41, comme ont fait et comme feront toujours
tous les gouvernants impérialistes, tant qu'ils existeront, et tant qu'ils
feront des guerres de conquête, de pillage et de brigandage.
La démagogie
anticapitaliste, à laquelle M. Rosenberg et ses chefs empruntent leur principal
slogan, montre l'évolution de la situation depuis 1914 ; elle montre à quel
point, à l'époque où l'Union soviétique existe, la situation du capitalisme est
compromise dans les choses et dans les esprits.
Le régime de
M. Hitler ne peut se maintenir en Allemagne que par la terreur et en se
réclamant du socialisme.
Il ne peut
entraîner son peuple à la guerre et le maintenir dans la guerre qu'en plaçant
celle-ci sous le signe d'une lutte anticapitaliste.
"La
propagande n'a pas pour objet de rechercher la vérité objective, dans la mesure
où elle est favorable aussi à d'autres ... et de l'exposer ensuite avec
sincérité doctrinale devant les masses" (Hitler, Mein Kampf).
Il y a une
ploutocratie allemande, comme il y a une ploutocratie britannique. Parler de la
lutte des deux ploutocraties pour l'hégémonie, ce serait la vérité objective.
On parle donc de la ploutocratie anglaise.
Quant à
l'Allemagne, elle est simplement le pays du sang qui lutte contre l'or, et
c'est ce que l'on appelle la Kriegspropaganda.
Mais
qu'est-ce donc que cette lutte « contre » l'or ?
L'Allemagne n'avait pas d'or en 1939, alors que la France, l'Angleterre et les
Etats-unis détenaient la majeure partie des réserves d'or du monde capitaliste.
Est-ce pour cela que l'Allemagne lutte contre l'or ?
L'Allemagne
hitlérienne n'avait pas non plus, en 1939, de pétrole et de caoutchouc.
Elle lutte donc aussi contre le pétrole et contre le caoutchouc ?
Le grand
drame qui se joue s'appelle-t-il, non seulement Sang et Or, mais aussi Sang et
Pétrole et Sang et Caoutchouc, et, comme l'Allemagne n'a pas de colonies,
également Sang et colonies ou encore Sang et contrôle des voies maritimes ?
Si l'on a
choisi précisément Sang et Or, c'est que l'or est le symbole vulgaire du
capitalisme.
De cette
manière, M. Rosenberg peut déguiser la lutte pour l'or en une lutte contre
l'or.
L'impérialisme
allemand, au cas où il sera victorieux, nous libèrera de l'esclavage de l'or,
proclame M. Rosenberg.
Nous devons
donc tirer la conclusion qu'après la victoire de l'Allemagne, l'or perdra sa
valeur, qu'un volume d'or sera aussi dépourvu de valeur qu'un volume d'air ?
Mais tel
n'est pas le dessein de M. Rosenberg.
L'or, a-t-il
dit dans son discours, est un métal précieux ; il conservera sa valeur et sa
signification pour des buts différents ; il pourra peut-être même être moyen de
règlement pour les relations économiques entre Etats.
Mais cette
hypnose de la dépendance intérieure qui a dominé pendant des siècles est
aujourd'hui abolie.
La
libération de l'or doit donc être purement « spirituelle ».
L'impérialisme
allemand, s'il est victorieux, s'emparera de réserves d'or et de mines d'or.
Il y aura
toujours la dépendance « extérieure » vis-à-vis de l'or, mais il n'y aura plus
la dépendance « intérieure » ; on restera subordonné à l'or dans l'espace, mais
on en sera délivré dans la conscience.
L'impérialisme
allemand nous libèrera de l'or par une restriction mentale.
Comme on
voit, M. Rosenberg veut dire simplement qu'il y a un bon usage et un mauvais
usage de l'or.
Le mauvais usage est celui qu'en font les capitalistes franco-anglo-américains.
Le bon usage est celui qu'en feront, en cas de victoire, les capitalistes
allemands.
Mais il
exprime cette banalité colossale sur le ton de l'emphase vaticinante, et c'est
là le grand art de la Kriegspropaganda et, d'une manière générale, de l'idéologie
raciste.
Voilà pour «
l'Or ». Quant au « Sang », il doit exprimer que l'Allemagne n'est pas, à
proprement parler, un pays capitaliste, puisque, précisément, il s'appelle «
national-socialiste ».
Le « Sang »
définit le national-socialisme en tant que régime social.
Plus exactement, il doit symboliser la grande « idée unificatrice » dont M.
Rosenberg déplorait l'absence dans la Kriegspropaganda de l'Allemagne
impériale.
Il doit exprimer que l'Allemagne n'est plus une société divisée en classes antagonistes,
mais une société sans classes.
Faut-il
entendre par là que le capitalisme a été supprimé en Allemagne ?
N'importe
quel numéro de la Frankfurter Zeitung nous montre qu'il y a, en Allemagne, des
actions et, par conséquent, des actionnaires, des dividendes, et, par
conséquent, profit capitaliste et profiteurs ; la propriété privée des moyens
de production avec une concentration très avancée de la production et des
capitaux et, par conséquent, une oligarchie financière, une ploutocratie.
M. Krupp von
Bohlen, qui en fait partie et qui n'a jamais été exproprié, est une célébrité
internationale.
Mais il ne
s'agit pas non plus, pour M. Rosenberg, d'exproprier, en Allemagne
national-socialiste, les capitalistes.
"Ce que
nous voulons aujourd'hui, a-t-il dit en 1934 aux ouvriers des usines Opel,
c'est que l'ouvrier allemand jouisse de la même considération intérieure que
tous les autres Volksgenossen allemands".
L'émancipation
des travailleurs en Allemagne national-socialiste, est l'oeuvre « spirituelle »
des capitalistes eux-mêmes.
Ils
réalisent cette émancipation en accordant aux travailleurs leur « considération
intérieure », leur « innere Achtung ».
C'est
pourquoi cette émancipation est une création continue.
Chaque fois
qu'à propos d'un acte qui aggrave la situation de l'exploité, l'exploiteur
l'appelle non pas "elendes Rindvieh" ( Espèce d'abruti ! ), mais
"Hochwohlgeborener Herr Volksgenosse" ( Très estimé Monsieur et
Camarade ! ), l'exploité demeure asservi physiquement, mais il est émancipé
métaphysiquement.
La situation
des travailleurs peut donc s'aggraver continuellement, ils seront néanmoins
mystiquement de plus en plus émancipés, car l'exploiteur peut faire n'importe
quoi, pourvu qu'il accorde au peuple sa considération intérieure, die innere Achtung.
Le
national-socialisme a supprimé le capitalisme par restriction mentale. C'est la
libération national-socialiste du prolétariat.
Le mal pour
l'Allemagne, c'était, a dit M. Rosenberg dans le même discours, que les chefs
du marxisme regardaient toujours « en haut », avec un sentiment d'infériorité,
non avec la conscience de l'égalité des droits, mais avec la conscience
intérieure que ces gens d'en haut étaient vraiment plus et que pour cette
raison il fallait mener des combats contre eux (Rosenberg, "Blut und
Ehre", tome 2).
Toute la
question sociale est du domaine de la « vie intérieure ».
Il en est de
l'exploitation comme de la vieillesse : on est exploité quand on se sent
exploité ; on est inférieur quand on se sent inférieur ; on est égal quand on se
sent égal.
Il ne faut
donc pas supprimer l'exploitation, mais la conscience de l'exploitation ; il ne
faut pas supprimer l'infériorité, mais le sentiment de l'infériorité ; il ne
faut pas créer les conditions réelles de l'égalité sociale, mais le sentiment
interne de l'égalité ; « das innere Bewusstsein der Gleichberechtigung », comme
dit M. Rosenberg.
Il ne faut
donc pas dire « ces ploutocrates détiennent le pouvoir économique et politique
en vivant sur nous en parasites » et il ne faut pas vouloir « mener des combats
contre eux » pour les renverser et vivre, enfin, en paix. Il faut se dire : je
vaux « intérieurement » M. Krupp von Bohlen ; je ne le place pas au-dessus de
moi, je me « sens » son égal ; je n'ai donc aucune raison de lutter contre lui.
Et c'est
pour amener cette conclusion que M. Rosenberg construit tout le reste, en
empruntant sans vergogne le « complexe d'infériorité » au juif Alfred Adler,
disciple dissident du juif Sigmund Freud et inventeur de
l'Individualpsychologie, qui fut avec la psychanalyse, la tarte à la crème de
la pédagogie social-démocrate.
Voilà le
racisme, « la plus grande révolution spirituelle depuis le christianisme »,
selon la formule de M. Rosenberg.
Nous sommes
donc libérés du capitalisme, comme de l'or : par voie de processus intérieurs
et de restrictions mentales.
Les
capitalistes gardent en Allemagne leurs usines, leurs mines et leurs banques,
mais ils sont expropriés de leur mépris visible - et là aussi sur le papier -
pour les travailleurs.
Ceux-ci
gardent leurs chaînes et reçoivent, à titre de consolation, la « considération
intérieure », die innere Achtung, de leurs geôliers.
Il n'y a pas
de réalisation plus économique du socialisme que celle-là !
C'est
pourquoi le national-socialisme est le vrai socialisme - pour les capitalistes.
C'est suivant la même méthode « mystique » que M. Rosenberg et ses collègues
ont réalisé la société sans classes en Allemagne.
M. Rosenberg
proclame, en effet, que l'Allemagne est un pays unifié. Faut-il entendre par là
qu'en Allemagne il n'y a plus de capitalistes et de prolétaires, plus de
Junkers et de paysans exploités ?
Non, d'après
les explications de M. Rosenberg, l'unification de la société allemande a été
réalisée, non selon les voies ordinaires de la nature, mais par voie mystique.
Cette
unification est ce qu'il appelle le mystère du sang.
M. Krupp von
Bohlen s'adresse à l'ouvrier et lui dit « nous sommes du même sang toi et moi
».
Et si
l'ouvrier le croit, s'il ne se sent plus d'une autre classe, mais de la même
race, s'il se sent uni avec M. Krupp von Bohlen, alors l'unification de la
société s'est réalisée, le mystère du sang s'est accompli.
Cette
unification est un mystère, parce que les classes subsistent extérieurement,
tout en ne subsistant plus intérieurement, du moins cette abolition intérieure
de l'antagonisme des classes est chaudement et, en même temps, férocement
recommandée aux travailleurs.
En Union
soviétique, l'unification de la société, réalisée par la suppression effective
des classes antagonistes, n'est pas un mystère, parce qu'elle est réelle.
En Allemagne
national-socialiste, elle constitue un mystère, précisément parce qu'elle n'est
pas réelle.
Cette
théologie raciale de la « transsubstantiation sociale » a évidemment son noyau
réel.
M. Rosenberg
a dit, en 1934, dans un discours consacré à l'idéologie « national-socialiste »
: "Dans le devenir du triomphal mouvement national-socialiste s'est révélé
le mystère profond du sang qui, en apparence, était mort durant la guerre
mondiale et qui s'est réincarné dans ce nouveau mouvement" (Rosenberg,
"Blut und Ehre", tome 2).
Ce mystère
profond du sang qui est mort pendant la guerre impérialiste de 1914-1918-, nous
le connaissons bien : c'est l'union sacrée.
Elle est
morte dans la mesure où les masses ont retourné leurs armes contre les
profiteurs de guerre et, d'une manière générale, contre la ploutocratie.
De nouveau,
c'est une vieille idée de la réaction que M. Rosenberg reprend sur le mode de
l'emphase théologico-métaphysique : le mystère du sang vit tant que les masses
se laissent conduire par la ploutocratie ; il meurt quand elles ne se laissent
plus faire.
Et
effectivement, le mystère du sang est redevenu vivant dans le mouvement
national-socialiste, en ce sens qu'il s'agissait bien, pour ce mouvement, de
ramener les masses sous l'influence de la ploutocratie.
Le « sang »,
fondement « scientifique » de l'Union sacrée !
Déjà la
bourgeoisie avait appelé la lutte du prolétariat contre elle une lutte «
fratricide ».
La
suppression « nationale-socialiste » du capitalisme revient au fond à
distinguer deux sortes de capitalisme - le bon et le mauvais.
La vieille
distinction entre le bon et le mauvais patron est reprise par les «
nationaux-socialistes », mais avec une orientation particulière. Le mauvais
capitaliste, c'est celui qui, selon la formule de M. Rosenberg, proclame « la
liberté absolue de l'individu économique ».
Le mauvais
capitalisme, c'est le capitalisme libéral, le capitalisme de libre concurrence.
Mais il y a
le bon capitalisme, et c'est celui des monopoles. Les méfaits du capitalisme
sont tous attribués au capitalisme de libre concurrence qui a dominé au
dix-neuvième siècle, d'où les diatribes de M. Rosenberg contre « le libéralisme
du dix-neuvième siècle », et la critique du capitalisme devient l'apologie des
trusts.
Dès avant la
guerre de 1914-1918, des théoriciens sociaux-démocrates avaient proclamé
l'avènement du socialisme grâce aux trusts.
Cette
théorie fut reprise et développée après cette guerre, en particulier à la
veille de la grande crise économique de 1929-1932.
Hilferding,
en particulier, proclamait que, grâce aux trusts, le capitalisme se
transformait, sous nos yeux, en socialisme. M. Rosenberg proclame, lui, que
l'Allemagne hitlérienne, c'est-à-dire le règne absolu des trusts, c'est le
socialisme.
La
libération de l'esclavage de l'or, c'est la distinction d'un bon usage et d'un
mauvais usage de l'or, dans les cadres du système capitaliste ; la suppression
du capitalisme, c'est la distinction entre le mauvais capitalisme libéral et le
bon capitalisme des monopoles ; le sang, c'est le symbole de toutes les
illusions que l'on utilise pour faire croire au peuple allemand que, dans cette
guerre, ses intérêts sont solidaires de ceux de sa ploutocratie.
C'est aussi
le symbole des illusions que l'on voudrait créer chez les autres peuples
concernant les buts de guerre de l'impérialisme allemand et l'avenir de
l'Europe, sous l'éventuelle hégémonie du Reich hitlérien.
En fin de
compte, on veut nous faire croire qu'il y a deux sortes d'impérialismes : le
bon et le mauvais, le bon étant l'impérialisme allemand.
C'est le
fond de la Kriegspropaganda.
«
Kriegspropaganda » et réalités impérialistes
Vouloir
dissimuler des réalités sous des métaphores qui idéalisent la guerre
impérialiste est un jeu déjà ancien.
Parlant à
l'académie des sciences morales et politiques, le 21 janvier 1919, M. Bergson,
le philosophe antirationaliste qui vient de mourir, disait à propos de la
guerre de 1914-1918 : D'un côté, c'était la force étalée en surface, de l'autre
la force en profondeur.
D'un côté,
le mécanisme, la chose toute faite qui ne se répare pas elle-même ; de l'autre,
la vie, puissance de création qui se fait et se refait à chaque instant.
Alors la
force en profondeur, la vie, la puissance de création, c'était l'impérialisme
français. M. Rosenberg ( qui aime décidément les auteurs non aryens ) accomplit
une fois de plus « une révolution scientifique comme la découverte de Copernic
il y a 400 ans » et recopie Bergson.
Dans son
discours il a appelé l'impérialisme allemand « force vitale créatrice profonde
» ; « véritable valeur de la vie » ; « force vitale créatrice de l'Europe
centrale » et il a appelé la lutte pour l'hégémonie une lutte « pour la
hiérarchie des valeurs ».
C'est ainsi
qu'on trompe les peuples ; c'est ainsi qu'on spécule sur la crédulité des
hommes qui souffrent.
M. Hitler a
mené campagne contre le « diktat » de Versailles.
Et de quoi
s'agit-il maintenant ?
D'imposer un
« diktat » à la France et, d'une manière générale, à tous les pays vaincus.
L'une des
tâches essentielles de la Kriegspropaganda est de convaincre les Français qu'il
faut se soumettre au « diktat ».
La presse
traduite et la propagande de Vichy agissent dans le même sens, et l'une des
raisons déterminantes du voyage et du discours de M. Rosenberg réside dans la
volonté de donner un nouvel élan à cette campagne.
Ce qui est
grave, pour tout ce qui reste du système mondial de l'impérialisme, c'est que
les peuples se demandent si la guerre va recommencer ainsi tous les vingt ans,
et si tous les vingt ans nous allons revoir « la prochaine dernière ». Le
scepticisme augmente rapidement à l'égard de toute la Kriegspropaganda
impérialiste.
C'est
pourquoi, dans leurs discours, les chefs racistes insistent continuellement sur
ce thème que la victoire de l'Allemagne assurera la paix. On le répète au
peuple allemand pour lui faire accepter la guerre longue. On le répète au
peuple français pour lui faire accepter le « diktat ».
Pour
justifier cette promesse, M. Rosenberg a redit à Paris ce que nous avons déjà
entendu mille fois, à savoir que la victoire des Alliés en 1918 était
provisoire, alors que la victoire de l'Allemagne en 1940 est définitive.
La guerre de
1914-1918 et la guerre actuelle, dit-il, sont les deux phases de « la lutte
pour la hiérarchie des valeurs ».
La guerre
n'a recommencé que parce qu'en 1918, ce n'est pas « la véritable hiérarchie »
qui s'est réalisée.
Après la
victoire de l'Allemagne, les peuples pourront vivre tranquilles : « la
véritable hiérarchie des valeurs » étant rétablie, la providence veillera à son
maintien, et il n'y aura plus de guerre.
Le « diktat
» de Versailles avait pour contenu un nouveau partage des colonies et du monde.
Le nouveau «
diktat » que l'Allemagne hitlérienne prépare a un contenu du même genre.
Ce que M.
Rosenberg appelle « la lutte pour la hiérarchie des valeurs » s'appelle
communément la guerre impérialiste pour le nouveau partage du monde.
La véritable
hiérarchie des valeurs est le nom « métaphysique » du partage selon la force
des
puissances capitalistes qui y participent.
M. Rosenberg
nous dit lui-même qu'entre 1914-1918 et 1939-1940 « le rapport des forces s'est
déplacé » entre les belligérants.
La victoire
des Alliés en 1918 était donc provisoire tout en étant conforme à la «
véritable hiérarchie des valeurs » et la victoire de l'Allemagne, si elle est
acquise, sera, au même titre, conforme à la « véritable hiérarchie des valeurs
» et quand même provisoire.
Il en est
ainsi parce que tout partage impérialiste du monde est provisoire.
C'est ce
qu'a montré Lénine : "... On ne peut concevoir en régime capitaliste
d'autres bases pour le partage des sphères d'influences, des colonies etc ...
que la force des participants au partage, force économique, financière,
militaire, etc ...
Or, la force
change différemment chez les participants du partage, car il ne peut y avoir,
en régime capitaliste, de développement égal des entreprises, des trusts, des
branches d'industrie, des pays" (Lénine, "L'impérialisme, stade
suprême du capitalisme")
Versailles
était conforme à la « véritable hiérarchie des valeurs » et il a cessé de lui
être conforme par suite de la modification du rapport des forces, et c'est
pourquoi il y eut la guerre de 1939-40.
Car il n'y a
qu'un seul moyen de savoir, en régime capitaliste, quelle est la « véritable
hiérarchie des valeurs » et ce moyen, c'est la guerre.
C'est
pourquoi aussi, la guerre commencée en 1939 est impérialiste pour tous les
belligérants, comme l'était celle de 1914-1918.
L'Allemagne
était, il y a un demi-siècle, une misérable nullité, si l'on compare sa force
capitaliste à celle de l'Angleterre d'alors ; il en était de même du Japon,
comparativement à la Russie.
Est-il «
admissible » de supposer que, dans une vingtaine d'années, le rapport des
forces entre les puissances impérialistes reste inchangé ?
Chose
absolument impossible (Lénine, "L'impérialisme, stade suprême du
capitalisme", 1916) Les évènements ont montré combien Lénine avait raison
et combien ceux qui affirmaient, comme les chefs de la social-démocratie, que
la paix de Versailles était « définitive » trompaient le monde.
Maintenant
ce sont M. Rosenberg et ses collègues qui proclament que le nouveau Versailles
donnera la paix définitive, simplement parce qu'il réaliserait un partage du
monde au profit de la ploutocratie allemande.
Dieu
fera-t-il pour le second Versailles ce qu'il n'a pas fait pour le premier ?
Veillera-t-il
à la conservation de ce nouveau partage, alors que, même si l'on fait
abstraction d'autres changements possibles, la loi de l'inégalité de
développement qui domine le capitalisme le rendra nécessairement caduc ?
Du reste, on
nous parle de paix définitive, alors que la guerre est loin d'être finie, et
que la lutte pour le partage du monde peut comporter de nouveaux
développements.
Et l'on veut
obtenir, au nom de la paix définitive, notre soumission au « diktat », alors
qu'un Déat, qui ne voulait pas mourir pour Dantzig, nous invite à mourir pour
Dakar, et que la guerre rebondit dans les colonies, en Indochine et ailleurs ?
L'« argument
» basé sur la « hiérarchie des valeurs » est si faible que la Kriegspropaganda
met en avant une autre idée.
En
1914-1918, les Alliés répétaient que leur victoire assurerait la paix parce
qu'elle dompterait la cause de la guerre, à savoir l'Allemagne vouée à la «
force ».
Le slogan
était relatif à l'idée selon laquelle la paix est troublée par des peuples
belliqueux qui ne vivent que dans le culte de la force. En 1939-40, M.
Rosenberg et ses mandants proclament qu'ils donneront la paix au monde parce
qu'ils libèreront les peuples de l'exploitation.
Il s'agit de
s'adresser cette fois à des masses qui, grâce à la diffusion du léninisme,
connaissent déjà le lien entre l'exploitation capitaliste et les guerres de
conquête du vingtième siècle.
De quelle
exploitation l'hitlérisme promet-il de libérer les peuples ? De toute
exploitation ?
Non, mais de
l'exploitation par la ploutocratie britannique.
La paix
règnera dans le monde quand l'hégémonie de l'Allemagne aura remplacé
l'hégémonie britannique.
Il y a donc
deux sortes d'exploitation des peuples, la bonne et la mauvaise.
L'exploitation
par la ploutocratie britannique est la mauvaise exploitation, comme l'hégémonie
britannique est la mauvaise hégémonie.
Par contre,
l'exploitation des peuples par la ploutocratie allemande, c'est la bonne
exploitation, et l'hégémonie de l'Allemagne, c'est la bonne hégémonie. Il y a,
en un mot, deux sortes d'impérialismes : le bon impérialisme qui est
l'impérialisme allemand et le mauvais impérialisme représenté par les
impérialismes concurrents.
Appliquer la
théorie du bon patron et du mauvais patron aux impérialismes, voilà encore une
« révolution scientifique comme la découverte de Copernic il y a 400 ans ».
Et nous
devons admettre que la victoire de l'Allemagne hitlérienne nous donnera la paix
parce que ce sera la victoire du « bon impérialisme ».
Quant à la
différence qui existe entre le bon impérialisme et le mauvais impérialisme,
elle ne relève pas de l'économie, mais de la mystique.
Les
impérialismes se distinguent par la "Rassenseele".
Le bon impérialisme
est celui qui appartient à l'Axe.
S'il n'en
était pas ainsi, comment pourrait-il en faire partie ?
Cela
indique, en même temps, qu'un mauvais impérialisme peut se transformer en bon
impérialisme et inversement.
« La
Fédération européenne fera la « Nouvelle Europe » qui organisera l'Europe selon
la justice ».
C'est ce
qu'on nous répète sur tous les tons.
Mais en
vertu de quel miracle la « Nouvelle Europe » serait-elle basée sur la justice ?
Réalisée
sous l'hégémonie de l'impérialisme allemand ou sous l'hégémonie de
l'impérialisme britannique, elle ne pourrait être qu'une organisation en vue de
l'oppression et de l'exploitation des peuples "car l'impérialisme ne peut
rapprocher les nations que par la voie des annexions et des conquêtes coloniales,
sans lesquelles on ne saurait, d'une façon générale, le concevoir"
(Staline).
Est-ce qu'on
voit aujourd'hui d'autres signes avant-coureurs de la « Nouvelle Europe » que
des annexions, des projets d'annexions et d'exploitation ?
Ce thème de
la « Fédération européenne », de la « Nouvelle Europe », des « Etats-unis
d'Europe » n'est pas nouveau.
Dès 1915,
Lénine montrait sa vraie signification : "Du point de vue des conditions
économiques de l'impérialisme, c'est-à-dire de l'exportation du capital et du
partage du monde par les puissances colonisatrices « avancées » et « civilisées
», les Etats-unis d'Europe, sous le capitalisme, sont impossibles ou seront
réactionnaires" (Lénine, "Sur le mot d'ordre des Etats-unis
d'Europe", 1915).
Les «
Etats-unis d'Europe » ne sont possibles sous le capitalisme qu'en tant
qu'organisation provisoire et réactionnaire ; "Bien entendu, il existe des
possibilités d'accords temporaires entre capitalistes et entre puissances.
C'est dans
ce sens que l'on peut parler des Etats-unis d'Europe, comme une convention
entre capitalistes européens, mais... une convention portant sur quoi ?
Uniquement sur une politique commune pour écraser le socialisme en Europe, pour
conserver les colonies dont on s'est emparé contre les entreprises du Japon et
de l'Amérique ..." (Lénine, "Sur le mot d'ordre des Etats-unis
d'Europe", 1915).
Etats-unis
d'Europe, Fédération européenne, Nouvelle Europe ne peuvent signifier,
actuellement non plus, qu'une nouvelle convention en vue du partage des
colonies, en vue de la conservation de ce nouveau partage et pour l'écrasement
du socialisme.
Convention
provisoire et réactionnaire qui ne peut avoir d'autre contenu que
l'exploitation renforcée des peuples et pas d'autre issue que la guerre.
Finalement
la Kriegspropaganda ne sait pas nous dire autre chose que ceci : faites
confiance à l'impérialisme allemand !
Il s'agit de
dissimuler le fait que, selon la formule célèbre de Jaurès, le capitalisme
porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage.
Quant au
reste, quant aux affirmations de M. Rosenberg, il n'y a qu'à réfléchir à ce qui
reste aujourd'hui de la propagande de guerre des Alliés en 1914-18.
Que
reste-t-il du règne de la justice qui devait - grâce à un nouveau partage
injuste - remplacer le règne de la force ?
On en a
écrit, pourtant, des volumes et des volumes sur le développement de la morale
et de la moralité internationales !
Que sont
devenues ces « grues métaphysiques » ?
Et qu'est
devenue « la mystique de Genève » ?
M. Rosenberg
a beau mettre en scène la pompe pseudo-wagnérienne, des pompes et des oeuvres
de toutes sortes, la Kriegspropaganda hitlérienne, ainsi que sa propagande pour
le nouveau diktat, sont faites d'affirmations et de promesses tout aussi
fausses, d'illusions tout aussi trompeuses.
M. Rosenberg
a dit dans son discours que le peuple allemand avait fait preuve d'une «
candeur puérile » en prenant au sérieux en 1918 les promesses de Wilson.
Il sait
qu'il nous faudrait aussi une « candeur puérile » pour prendre au sérieux les
promesses de la Kriegspropaganda.
Mais il veut
nous imposer cette « candeur puérile » par tous les moyens.
Il appelle
cela le rétablissement de « l'innocence du sang primitif » (cf "le Mythe
du vingtième siècle"), et c'est ce qu'il s'agirait d'organiser en France
en vue de l'asservissement des Français.
L'obscurantisme
doit transformer les hommes en sujets crédules pour toute la propagande des
ploutocraties et en instruments dociles pour leur politique.
Les faits
sont obstinés, et nous pouvons, comme tous les peuples soumis à l'oppression,
apprécier la Kriegspropaganda et les beautés du nouveau « diktat » qui, par
opposition au « mauvais diktat de Versailles » doit être le bon « diktat ».
La France
est dépecée.
Déjà,
l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine a été annoncée officiellement.
Le pays est
coupé en deux.
Dans la zone
occupée, la zone dite rouge est pratiquement annexée.
Nous
assistons à un pillage économique et financier sans précédent ; les Français
sont réduits à la misère et à la famine.
En même
temps, avec l'aide d'un gouvernement fantoche, le peuple français subit une
oppression nationale sans précédent.
Annexions,
exploitation et oppression - les traits caractéristiques de l'impérialisme -
voilà ce que nous constatons et non la justice et le droit.
On ne nous
cache même pas que la France devra être économiquement démantelée, pour devenir
l'appendice agricole de la grande Allemagne industrielle.
Ceux qui
dépendent des impérialismes en conflit proclament qu'il n'y a pas d'autre
solution pour nous que des gouvernements fantoches qui livrent le pays et des
collaborations qui l'asservissent.
Mais seul le
maintien du capitalisme qui a causé la guerre et la défaite nous lie à de
telles alternatives.
Il est donc
naturel que la France cherche son avenir en dehors de cette galère.
Les
prophéties de M. Rosenberg
On doit se
rendre compte de la faiblesse des arguments produits pour nous convaincre, car
on essaie de les renforcer en répétant constamment que la situation créée par
la victoire de l'Allemagne est définitive, que, du reste, le
national-socialisme représente un tournant dans l'histoire ; qu'il inaugure une
époque nouvelle qui durera pendant des millénaires, etc ..., etc ... M.
Rosenberg a développé amplement ces divers thèmes dans son discours.
La
démocratie est définitivement morte, a-t-il expliqué, sur les champs de
bataille des Flandres.
Les idées de
1789, c'est-à-dire les idées de liberté et de progrès, sont définitivement
mortes ; les lumières sont mortes, et nous en avons pour des milliers d'années
avec la dictature du type fasciste et l'obscurantisme.
Naturellement,
tout ceci tend à faire naître en nous le sentiment que, dans ces conditions, il
ne nous reste rien d'autre que la résignation, puisqu'il n'y a pas d'autre
avenir que vingt siècles d'hitlérisme.
Mais ce
n'est pas si simple. La démocratie est morte pour toujours, dit M. Rosenberg.
Elle est
morte pour toujours, seulement elle vit et elle prospère sur la sixième partie
du globe.
Elle est
morte pour toujours, seulement elle s'est réalisée vraiment pour la première fois
dans l'histoire dans la nouvelle Constitution de l'URSS.
Le racisme a
triomphé définitivement dans le monde, l'obscurantisme règnera ; l'humanité est
condamnée à un nouveau moyen âge.
Seulement,
la sixième partie du globe est la « négation » du racisme, et sur cette partie
du globe, près de 200 millions d'hommes vouent à la science et à la raison un
culte théorique et pratique sans précédent.
Les idées de
liberté et de progrès sont mortes, proclame M. Rosenberg.
Précisément
quand ces idées reçoivent au pays du socialisme un contenu qui est d'une vie et
d'une puissance sans exemple dans l'histoire.
Spécialisé
jadis dans les diatribes antisoviétiques, M. Rosenberg s'est tu sagement sur
l'URSS dans son discours de Paris.
Mais l'URSS
était évidemment partout présente dans son discours ; elle surgissait partout
comme une limite, comme un rappel à l'ordre, comme une réfutation, comme le
grand fait qui ramène constamment les prophéties et les diagnostics mondiaux de
M. Rosenberg à ce qu'ils sont vraiment, à savoir la réclame de l'impérialisme
allemand.
Contre-révolution
du vingtième siècle qui, n'osant pas dire son nom, s'appelle révolution du
vingtième siècle ; obscurantisme du vingtième siècle qui, n'osant pas dire son
nom, s'appelle idéologie du vingtième siècle ; capitalisme qui, n'osant pas
dire son nom, s'appelle socialisme, le « national-socialisme » appartient non
au monde nouveau, mais au monde ancien, non pas au monde qui commence, mais au
monde qui finit.
Une fois
déjà, à l'issue de la lutte impérialiste pour le partage du monde, un morceau
du globe a échappé au capitalisme affaibli par cette lutte.
Les causes
qui ont produit alors ce fait existent aujourd'hui et se développent.
Elles
existent et se développent aussi en Allemagne.
Car aucun mythe pseudo-religieux du sang, aucune caricature raciste de la
délivrance religieuse ne peuvent faire disparaître la réalité de la
contradiction qui existe et qui se développe, en Allemagne aussi, entre la
ploutocratie et son régime, d'une part, et le peuple allemand d'autre part.
M. Rosenberg
répète souvent que le racisme est le produit de quatre siècles d'évolution
allemande.
La vérité
est que M. Rosenberg et le racisme n'ont rien à voir avec les traditions
intellectuelles de l'Allemagne de Goethe, avec cette Allemagne dont les plus
grands esprits furent fécondés par la Révolution française, avec l'Allemagne
qui a produit Hegel, Karl Marx et Friedrich Engels.
Elle existe,
cette Allemagne, et elle lutte, avec ses ouvriers et ses intellectuels contre
l'oppression et pour la paix.
Si elle ne
luttait pas, à quoi servirait donc la dictature terroriste ?
C'est à
cette lutte qu'appartient l'avenir dans tous les pays, en Allemagne comme en
France, c'est elle qui fera renaître, renouvelées et grandies, la liberté, la
démocratie.
Quant au
racisme, « révolution du vingtième siècle », son souvenir demeurera comme celui
du cauchemar du vingtième siècle dont nous libèrera chez nous, définitivement,
la nouvelle Révolution française, la Révolution socialiste.
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