mardi 12 avril 2016

"Au café Mollard", par Paul-Eric Langevin (2005)

Au café Mollard 

Poème en prose


"Dans la rue il y a mon amour. Dans la forêt il y a mon amour. Dans la nuit il y a mon amour. Mais mon amour est dans mon coeur et tant que celui-ci battra, il sera toujours vivant. Tremblant. Respirant. Elle est là, tout contre moi. Ses yeux me font respirer. Sa poitrine me fait trembler. Ses pieds me font rêver. Je ne me relèverai pas tellement elle me subjugue. Grâce à elle, je tremble, je respire, je m'émerveille, je me réveille, je ne dors pas, je ne vois qu'elle. Elle est encore là. Elle sera toujours avec moi. Jusqu'à ce que je ne sois plus rien. Poussière d'étoiles, amas de souvenirs, de rires cristallisés. Mais elle est toujours là pour l'instant. Elle me fait vivre, respirer, grandir, vieillir et surnager. Elle est mon tout, elle est ma lie, mon hallali, mon miroir, mon soleil et ma lune, mes étoiles, mon ciel entier, mon hymne, mon chant, mon désir et mon délire. Et elle est là et elle me voit. Elle me sourit, cligne de l'oeil. Dans son oeil, il y a l'univers. Dans sa pupille, la galaxie, dans son âme il y a mon coeur. Car je lui ai donné un soir d'hiver. Un soir d'été elle me l'a rendu mais tout cela n'est qu'illusion car je l'ai enfin retrouvée puisqu'elle ne m'a jamais quitté. Elle ne m'a même jamais oublié. Elle m'a aimé toute l'année et tout le siècle et tout le millénaire. Ainsi nous ne sommes qu'un seul pour toujours. Toujours et jamais.


Je suis ton coeur, ton âme, tes rideaux, tes flammes, je suis ton ensemble, ton tout, ta merveille, ton trésor et ton fou. Je veux te faire rire et sourire et crier et chanter toute l'année. Je veux te réveiller tout l'été avec du café. Des croissants, du sucre, des cadeaux, des mystères. Un différent chaque jour et voir ton sourire, jamais le même. Je créerai ton sourire car je suis capable de lui donner tout son éclat, toute sa flamme, son charme, son idéal et même ses larmes. Je suis ton printemps et ton automne, ton soleil et ta nuit, ton mystère et ta clef. Je peux te trouver même si tu te caches au fond, au fin fond de l'oubli. Car nous ne sommes qu'un, nous ne sommes qu'amour ensemble, pour toujours et pour jamais, dans l'infini comme dans le creu de ta main, le creu de tes reins; ta folie, ton vertige, ton idéal, ton passe-partout. Ton comble, ton rire, ton espoir, ta débauche, ta désillusion et ta pensée. Encore aujourd'hui je me suis réveillé et je t'ai vue, mon unique amie, ma créature, celle que j'anime et que je pousse, que je fais luire et puis mourir, jusqu'au lendemain car tu es éternelle du moment que je plonge dans tes yeux, tes si beaux yeux, que je peux prendre ta main, sentir tes doigts, les parcourir, sentir chaque frisson que je provoque au plus profond de ton être. Ton être et ton image, ton esprit et la pellicule de ta peau dont le contact me rend fou à la folie et cela pour toujours.


Tous les deux nous irons là-bas, nous irons au loin, au bout du chemin, sur la route, dans la lande, Nous serons unis encore et encore et nous découvrirons le paysage, les animaux, les villes et les hommes, les femmes et les objets, et nous aimerons les mêmes choses car nous sommes faits de la même veine. Nous nous tiendrons par la main et nous serons ensemble dans le lointain. Demain, après-demain et encore et encore car nous sommes là et nous nous sourions. Pourquoi y aurait-il une fin à tout cela? Pourquoi ne pas croire que c'est un principe éternel? Celui de l'amour, celui de la flamme, de la création et des larmes, dans tous les pays par tous les temps, chacun est un peu moi et chacune un peu toi, encore et toujours jusqu'au petit matin, l'un après l'autre et puis encore un. C'est là que nous nous rencontrons mais n'est-ce pas depuis le tout début? Y a-t-il un début? Y aura-t-il une fin? Nous ne le savons pas, ça nous n'en savons rien. Pas plus que chaque instant il ne manque quelque chose. Car tout en nous sourit du présent, plein et rempli de joie, de lumière, ignorant le froid, la faim, la fatigue, la détresse. Car nous sommes deux et c'est ce chiffre-là qui compte. Principe fondamental de tout l'univers, imaginaire ou réel, toujours deux, toujours cruels, avec ce qui nous entoure car nous ne pensons qu'à nous, dans tout le monde je vois ton regard, dans tout l'univers tu sens mon coeur."

Paul-Eric Langevin, Café Mollard, Paris, 2005.

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