mardi 18 octobre 2011

"Réflexions sur le langage et l'écriture", par Paul-Eric Langevin (2011)

« Réflexions sur le langage et l’écriture »

Séminaire Transespace avec Jean-Baptiste Beaufils

D’après « Linguistique et grammatologie » de Jacques Derrida



Le passage de l’état de nature à celui de culture (Levi-Strauss, Rousseau), les origines du langage, le développement des capacités de lecture et d’écriture chez l’enfant (Mélanie Klein). 

Le travail de l’inconscient lors de la lecture : parfois on lit un texte et on décroche petit à petit, pris par nos pensées. Que se passe-t-il  alors  dans l’inconscient ?

Le travail de l’inconscient lors de l’écriture ; rapport entre flux de pensée et écriture. 

La grammatologie est une étude scientifique du processus d’écriture, quels mécanismes de pensée innés ou acquis se mettent en place lors d’un travail de lecture ou d’écriture ? 

Les mêmes mécanismes sont-ils en jeu tout au long de l’Histoire ? Le rôle des cris primitifs, les pleurs des enfants qui viennent de naitre. 

L’enfant met d’abord en place quelque chose de l’ordre de la figuration, puis de la sexuation puis de la parole (Jean-Baptiste Beaufils). Ou se situe la lecture ? Ou se situe l’écriture ? 

Signifiant et signifié chez Saussure : pour que la parole émerge, il faut qu’un signifiant se raccroche à un signifié. A un flux de pensée correspondent un flux de lecture et un flux d’écriture. 

Que se passe-t-il avant la pensée ? Notion d’impensé en rapport avec le role des non-dits, en particulier dans le domaine de la psychogénéalogie.

Le travail du rêve est une écriture selon Freud ; le rêle de la mémoire dans la production de la parole et de l’écriture. La façon dont émergent les souvenirs est comparable à la façon dont émergent les pensées. Le rôle du groupe, le rôle de l’autre dans la production langagière et dans la production de l’écrit.

La grammatologie est l’étude de la façon dont les mécanismes d’écriture se mettent en place ; le role de l’imagination, inhibition et créativité, nécessité de l’échange, du contexte. 

L’écriture du social et l’écriture de l’intime, la parole dans le champ social et dans le domaine de l’intime. La parole et l’écriture doivent trouver une place pour se déployer.

Dans le champ social, parler et écrire peuvent aider à construire une représentation de la société. Domaines de la sociologie, de la philosophie, de la littérature. La parole performative, selon la linguistique. Dans le domaine de l’intime, il s’agit plus de construire une représentation de soi .

Importance des relations affectives, de la correspondance, aujourd’hui du courrier électronique.
La parole dans la cure psychanalytique, dans le groupe, dans la famille, dans l’intimité. Il y a des rapports, des échanges, des relations entre les domaines. Quand la parole, l’écrit ne trouvent pas leur place, problème. Ca peut être une parole cachée, un écrit caché.

Secrets, écrits cachés dans un tiroir, le domaine de l’autobiographie ; la scène de l’écriture (Derrida) La scène peut etre politique, littéraire, intellectuelle ; scène politique : paroles et écrits subversifs.

Ils peuvent etre maintenus dans le silence, refoulés par la norme en vigueur, la moralité, censure.

Théorie de l’apparition du langage dans l’humanité : elle proviendrait des cris des premiers hommes. Théorie de l’apparition de l’écriture : elle serait contemporaine de la sédentarité de l’homme (Leroi-Gourhan, cité par Derrida).

Ecriture et évolution des techniques, des technologies, apparition de l’écrit puis de l’imprimerie puis de l’informatique. Cf. « Le langage, cet inconnu » de Julia Kristeva

On n’écrit plus de la meme façon qu’avant. Certains auteurs écrivent directement sur ordinateur, d’autres ont encore besoin d’écrire à la main. La période de la machine à écrire.

L’inconscient fonctionne-t-il  de la meme façon selon la méthode utilisée ?

La parole et l’écriture comme symbole, comme message. Le schéma des fonctions du langage par Jakobson (fonction poétique, fonction métalinguistique…) 

La théorie de l’information développée par Shannon dans les années 50. 

Sémiologie et sémiotique du langage, de l’écriture, semio = seme = signe, la sémiologie est l’étude des signes (Charles Sanders Peirce).

Les représentations mentales, les théories cognitives, représentation mentale d’un mot parlé, d’un mot écrit, notion d’écran mental, d’écran du reve en psychanalyse.

Ecriture de soi et psychanalyse, écriture de soi et résilience (Boris Cyrulnik), écriture et mémoire (« l’écriture ou la vie » de Jorge Semprun), écriture et personnalité, écriture et libido.

L’importance de l’échange : on pense mieux et on pense plus à plusieurs (groupes, réseaux)

Par opposition, nécessité de la solitude aussi pour construire une pensée.

L’inconscient est structuré comme un langage (Lacan) : l’inconscient aurait donc la meme structure, la meme forme que le langage ; inversement le langage est aussi structuré comme l’inconscient, là ou il y a du langage, l’inconscient prend forme, si pas de langage, inconscient déstructuré.

Malheureusement, les paroles s’envolent : faut-il enregistrer les échanges pour pouvoir travailler dessus ? Les écrits restent, selon la célèbre formule, mais sous quelle forme ? Droits d’auteur, censure, multiples versions, interprétations bonnes ou mauvaises des auteurs par ceux qui viennent après, importance de la correspondance des auteurs. 

Ecriture et réécriture : tout comme la peinture, un auteur peut revenir sur ce qu’il a fait, travail obsessionnel de quete de la perfection, pas possible à l’oral.

Le travail d’écriture fait-il partie de l’étude du langage ? Les Sciences du langage sont les sciences des signes créés par l’homme pour communiquer. Origine des mots, phonétique, phonologie, morphologie. Découpage des mots en unités distinctives, les phonèmes. 

La phonétique est l’étude de la façon dont les sons sont produits, la phonologie est l’étude de la façon dont les sons s’articulent entre eux, la morphologie est l’étude de la façon dont les mots sont construits.

Apparition du sens : la sémantique. « 6 leçons sur le son et le sens » de Roman Jakobson, La naissance du sens : travaux d’éthologie de Cyrulnik , la théorie de l’affectivité de John Bowlby.

Le sens précède-t-il le mot ? Le mot précède-t-il le sens ? Chez l’homme, pas de sens sans mot. L’aphasie est la perte des mots et implique une perte du sens des choses et une perte du lien.

Chez l’animal, pas de mots mais existence d’un langage du corps, d’un langage affectif.

Lien mère-enfant : travaux de John Bowlby, Melanie Klein, Anna Freud mais aussi Winicott. 

La construction du langage est aussi étudiée en psycholinguistique. Le développement du langage chez le nouveau-né, chez l’enfant : babillage, construction du langage, construction du sens.

Le langage se construit autour du lien affectif. Si pas de lien, pas de langage. S’il y a des carences affectives, difficulté de donner du sens, de construire une pensée. Voir  le cas des enfants sauvages (film de Truffaut, énigme de Kaspar Hauser). 

L’évolution du langage chez l’enfant, l’adolescent, l’adulte, les langages spécialisés, interactions humaines, éthologie humaine (Henri Laborit). Le rôle de l’éducation, le rôle des humanités, celui des découvertes personnelles, l’inné et l’acquis. La curiosité doit etre développée pour que l’éducation soit réussie. Les conflits psychiques, les conflits interindividuels, les difficultés sociales sont des barrages au développement de la curiosité. Mais l’enfant, l’adolescent peuvent développer leur curiosité envers et contre tout. Role de la réussite sociale, des échanges et du lien, des échanges de bonne qualité. Communication vide et communication pleine (Lacan, parole vide et parole pleine).

Qu’est-ce que parler veut dire ? (Bourdieu) 

Les mêmes mécanismes existent-ils pour la lecture et pour l’écriture ? Certains facteurs font barrage au développement de la lecture. Les nouvelles technologies peuvent déclencher ou empêcher le gout de lire. Le rôle de la télévision, de la société, de la culture des parents. Certains adolescents développent un gout de lire qui n’est malheureusement que passager. A cette période, il y a parfois une boulimie de lecture. La lecture, la culture sont-elles une arme contre la violence ? Contre la souffrance ? 

En ce qui concerne l’écriture, les memes problèmes apparaissent. Commencer à écrire nécessite un déclic, le début d’un processus de pensée. Développer une pensée, un discours, un écrit dans quel contexte ? Hors d’un certain contexte ? Pas facile de partir de rien. Angoisse de la page blanche. Nécessité de l’épanouissement individuel, écrire permet-il de s’épanouir ?

Notion de déterritorialisation (Deleuze), départ de Derrida aux Etats-Unis pour enseigner parce qu’il avait du mal à trouver sa place en France. Les discours dominants, les luttes de pouvoir et d’influence dans le monde intellectuel, dans le monde universitaire. Le risque de la pensée.



Paul-Eric Langevin



Références :

-« Essai sur l’origine des langues » (Jean-Jacques Rousseau) 
-« Essais de linguistique générale » (Roman Jakobson) 
-« Fragment inédit d’un essai sur les langues » (Jean-Jacques Rousseau) 
-« A la recherche de l’essence du langage » 
-« Cours de linguistique générale » (Ferdinand de Saussure) 
-« Au sujet des fondements de la théorie linguistique » 
-« Prolégomènes à une théorie du langage » 
-« Langue et parole » (Louis Hjemslev) 
-« Linguistique et théorie de la communication » (Claude Shannon et Warren Weaver) 
-« La grande invention de l’écriture » (Marcel Cohen) 
-« Histoire de la langue universelle » (Louis Couturat) 
-« L’écriture de l’enfant » (Julian de Ajuriaguerra) 
-« Le rôle de l’école dans le développement libidinal de l’enfant » (Mélanie Klein) 
-« L’écriture et la psychologie des peuples » (André Leroi-Gourhan) 
-«  Le geste et la parole » (André Leroi-Gourhan) 
-« Essai sur l’origine des connaissances humaines » (Condillac)                

vendredi 3 juin 2011

"Une étude du français préclassique: évolution de l’utilisation des pronoms démonstratifs et des déterminants" (2/2), par Paul-Eric Langevin (2011)

Tableau des occurrences des formes suivant ce, période 1500-1700

Ce qui nous intéresse dans l’étude de ce est de savoir la proportion d’occurrences qui sont utilisées comme déterminants par rapport à la somme totale des occurrences. En général, on peut dire que ce suivi d’un nom ou d’un adjectif est utilisé comme déterminant et que ce suivi d’un verbe est utilisé comme pronom. Nous avons comparé ce corpus avec un autre sous-corpus plus petit d’occurrences de ce dans des textes datant de 1601 pour vérifier si cela donnait les mêmes résultats vis-à-vis des proportions. Or le sous-corpus nous donne les résultats suivants : 62% d’utilisation en tant que pronom dans un premier temps, 60% dans un deuxième temps. On a donc respectivement 38% et 40% d’utilisation en tant que déterminant. Ceci était prévisible par rapport au corpus de base.
           


Conclusion
Ce travail nous a permis d’une part de nous familiariser avec certains auteurs classiques célèbres mais aussi avec d’autres qui sont restés peu connus, d’autre part d’analyser avec précision l’évolution des formes grammaticales vers leur emploi actuel suivant le processus de grammaticalisation décrit par Bernard Combettes et Christiane Marchello-Nizia dans leurs travaux. Le fait d’avoir choisi un nombre limité de formes a facilité l’élaboration d’un travail synthétique dont les résultats confirment les hypothèses de départ sur la transformation de l’utilisation des pronoms et des déterminants au cours de l’histoire de la langue. 


Annexe méthodologique

Nous avons commencé par lire en détail l’article de Bernard Combettes ainsi que celui de Christiane Marchello-Nizia cités en bibliographie. Dans ces deux articles, nous avons repéré les formes étudiées, auxquelles nous faisons référence ci-dessous : les pronoms, déterminants, pronoms possessifs, indéfinis, les expressions et les adverbes. A partir de cet ensemble, nous avons choisi d’étudier sept formes particulières : « celui, cel, cil, cetui , cet, cest » et « ce ».



Pronoms et déterminants

Cet-/cel-, chaque/chacun/chacune, quelque/quelqu’un, -ci/-là, cel+N, celle N que, à celle N que, celui+N, icel-, cel/cil, cil qui, cette/cette-ci/là, cetui, celui, cettui, cetuy vostre estre, cetuy leur, cettuy-ci, cestuy-ci, celuy-ci, cil-/cet-, cil/cest, cetui-ci/celui-là/celui-ci, cettui-ci/cettui-là, ceux-ci/ceux-là, cettui, … Celui-là, celui-ci, cil+N, ce+N, ci, ici, là, ça, iluec, çaiens, laiens, cele+N, ceste+N, cez+N, cestes, les, mes, tes, ces, chi, icele, cele, cel, cest, ceste, a+les>als>as, de+les>dels>des, ceste>cette, cest>cet, cist, cist+s>cists>ciz>cis, cil+s, li, ço, ceo, cen, ci, ça, là, iluec, che, celui, ceux, celle, celles, lui, eux, elle, elles, ilz, cilz, ce+lui, c+elle, c+eux, c+elles…

Pronoms possessifs

Mien, le mien, un mien+N, le me+V/me le+V, le vous+V, le lui+V, le te/te le, les vous+V, …

Pronoms indéfinis

Quelque(s), quelque(s)-un(s), quelque, quelqu’un, quelqu’un de mes+N, quelqu’un des+N, aucun(s), quelque chose+Adj, quelque chose de+Adj, quelque part, …

Expressions

Ce faisant, pour ce faire, ce dit-il, sur ce, pour ce, outre ce, outre cela, à ce faire, en ce faisant, il y a+ participe passé, quant à X, pour le regard de X, auxquelles et à chacune d’icelles, un que je sais qui +V, …

Adverbes

Moult, très, beaucoup…



Bibliographie

Etudes de Bernard Combettes, Christiane Marchello-Nizia, Joan Bresnan et autres auteurs :

Marchello-Nizia, Christiane, Grammaticalisation et changement linguistique, 2009

Combettes, Bernard, «La délimitation du français préclassique : aspects syntaxiques»

Bresnan, Joan, et al., “A statistical model of the grammatical choices in child production of dative sentences”

Fagard, Benjamin, Prévost, Sophie, et al. , Evolutions en français, études de linguistique diachronique, 2008

Charolles, Michel, Prévost, Sophie, et al. , Discours, diachronie, stylistique du français,  2008

Combettes, Bernard, Prévost, Sophie, et al. , Le changement en français, 2010

Milner, Jean-Claude, Introduction à une science du langage,  1989 (ed. Seuil)



Sites internet

FRANTEXT

DELAS-DELAF

ATILF


                                                                                  
Paul-Eric Langevin

"Une étude du français préclassique : évolution de l’utilisation des pronoms démonstratifs et des déterminants" (1/2), par Paul-Eric Langevin (2011)

Paul-Eric Langevin, 20/05/2011.



       Une étude du français préclassique : évolution de       
 l’utilisation des pronoms démonstratifs et des déterminants



Nous avons travaillé sur les formes grammaticales du français préclassique utilisées au cours des 15ème, 16ème et 17ème siècles chez des auteurs classiques célèbres comme Montaigne, La Fontaine, Du Bellay, Corneille, Rabelais, Pascal, Calvin, Vaugelas mais aussi d’autres moins connus comme Guez de Balzac, Peiresc, Bérulle, Malherbe, Coeffeteau, Thévet, Jean de Léry, Brantôme, Le Vayer, Pierre Charron ou de Boisrobert ainsi que chez des auteurs plus anciens comme Chrétien de Troyes, Guillaume de Lorris, Gautier d’Arras, Robert de Clari, Renaud de Beaujeu, Villehardouin, Jean Renart.

Les corpus utilisés sont des romans et tous les autres types de textes (correspondance, récits de voyages, poésie…) extraits de Frantext sur les périodes respectives des 15ème, 16ème et 17ème siècles.

Nous avons étudié particulièrement l’évolution des pronoms démonstratifs et des déterminants, après avoir considéré le cas des pronoms personnels, des pronoms possessifs, des adverbes, des constructions et des expressions grammaticales figées. Nous avons fait ce choix pour rendre le travail d’analyse plus facile.

Nous avons considéré un certain nombre de pronoms démonstratifs (cel, cil,  celui, cet, cest, cetui, ce)  dont nous avons fait une étude des occurrences dans des textes écrits entre 1500 et 1700 puis entre 1550 et 1650 pour une étude plus précise des 16ème et 17ème siècles, puis entre 1400 et 1500 pour le 15ème siècle. Les pronoms étudiés connaissent une évolution particulière au cours de cette période, en particulier les formes du type de celui évoluent vers une utilisation en tant que pronom alors que celles du type de cel évoluent vers une utilisation en tant que déterminants. Effectivement, celles-ci deviennent alors des expressions toutes faites alors que d’autres changent et d’autres encore tombent en désuétude (Combettes, Marchello-Nizia, 2009). C’est cette évolution que nous nous sommes proposé d’étudier et de décrire.

Il s’agit d’étudier les conséquences de la transformation de formes utilisées comme déterminants en formes utilisées comme pronoms et inversement. Les formes semblables comme  celui, cel, cil  d’une part, cetui, cet, cest d’autre part sont soit confirmées dans leur emploi, soit devenues inusitées par la suite.

Après une représentation graphique des résultats sur Excel, nous avons fait une étude statistique à partir des fréquences absolues puis des fréquences relatives des occurrences des mots.



Méthodologie

La méthodologie que nous nous sommes proposé de suivre est d’extraire d’abord des exemples à partir des corpus étudiés sur Frantext, de les placer dans un tableau Excel et de coder les formes, c’est-à-dire de décrire méthodiquement de quel emploi de la forme il s’agit (pronom, déterminant). Ensuite, nous avons choisi les exemples de formes les plus particuliers avec lesquels nous avons construit un nouveau tableau puis une page détaillée et codée. Nous avons placé ces résultats dans un graphique puis dans un tableau pour en faire une étude statistique et les présenter dans le présent article.



Frantext
1400-1500
1500-1700
1550-1650
Romans uniquement
sous-corpus A
sous-corpus B
sous-corpus C
Tous genres
sous-corpus D
sous-corpus E
sous-corpus F



Nous avons commencé par étudier un corpus d’occurrences du pronom «celui» dont nous avons fait un codage détaillé sur Excel à partir d’extraits de romans datant de 1500 à 1700 et dus à divers auteurs. Nous avons fait ensuite une étude similaire sur le 15ème siècle.                                                                              
Nous avons fait ensuite de même pour les pronoms cel, cil, cetui, cet, cest et ce. Pour chaque forme, nous avons donné des exemples d’extraits de textes dans lesquels elle apparait, le texte précédent la forme et le texte suivant la forme, ainsi que sa fonction dans le contexte, soit pronom soit déterminant suivi de telle ou telle forme grammaticale, et des indications bibliographiques (auteur, titre, date, pages). Nous avons indiqué soigneusement le sous-corpus d’où ont été tirées les données (date, siècle, genre ).

Le codage consiste à décrire si la forme est un pronom ou un déterminant (catégorie pronom/déterminant), puis dans une colonne appelée sous-catégorisation, à décrire quel type d’utilisation du pronom ou du déterminant on a: pronom suivi d’une relative, d’une préposition, d’un verbe, d’un adjectif, déterminant suivi d’un nom, d’un adjectif, utilisation en tant que pronom renforcé (du type –ci/-là)…

On peut choisir sur les graphes de représenter le type de donnée, la forme étudiée, la période (on choisira de découper les périodes en quarts de siècle), ainsi que le nombre de formes, l’encodage, la sous-catégorisation…

Nous avons pu à partir des données chiffrées déduire des renseignements sur l’évolution des formes au cours d’une période donnée, l’apparition de certaines formes, la disparition d’autres formes ainsi que leur emploi en tant que déterminant, pronom et le contexte dans lequel elles sont employées. Nous avons ainsi tenté de rendre compte de leur évolution.

En ce qui concerne l’étude statistique, nous avons utilisé des tests statistiques permettant de donner des détails sur chaque forme étudiée: test du chi deux, test de Spearman, test ANOVA (analysis of variance)… Nous avons noté la période historique étudiée, le nombre d’emplois comme pronom ou déterminant, ainsi que le pourcentage d’emplois comme pronom ou déterminant et avons appliqué le test statistique à ces pourcentages.

Pour réaliser cette étude statistique, nous avons pris tous les corpus de toutes les formes grammaticales étudiées réunis sur une même page Excel appelée page des occurrences totales.



Evolution de celui

a) Les corpus utilisés pour l’étude de celui sont le sous-corpus B puis le sous-corpus D.
b) Les utilisations les plus courantes de «celui» sont celles en tant que déterminant suivi d’un nom (1), et celles en tant que pronom suivi soit d’une relative, soit d’un nom (2) ainsi que celles en tant que pronom renforcé.
On peut mettre en évidence ces utilisations dans les textes suivants des 16ème et 17ème siècles :
(1)                 «Or advint de rechief ung jour qu’elle debvoit la disme pour une fois seullement et elle avoit proposez et mis heure d’aller paier, mais je ne sçay quoy ly vint affaire pour celui jour, par quoy elle l’oublya, et ne ly en souvint jusques à tant qu’elle fut couchée auprés de son mary. »
(Les cent nouvelles nouvelles, Philippe de Vigneulles, 1515)
(2)                 «Aussitôt il demande au premier homme qu’il rencontre s’il n’a point vu Ulysse, roi d’Ithaque, dans la maison du roi Alcinoüs. Celui auquel il s’étoit adressé par hasard n’étoit pas phéacien…» (Les aventures de Télémaque, Fénelon, 1699)
(3)                 «… j’ay ajouté foy à ses paroles, parce que j’y ay trouvé de la vraisemblance et que le temps où il m’a dit qu’il avoit commencé à aimer Mme de Tournon est précisément celui où elle m’a paru changée ; mais un moment après, je l’ay cru un menteur ou du moins un visionnaire.»
(La princesse de Clèves, Mme de la Fayette, 1678)

On peut remarquer que l’utilisation en tant que déterminant se limite au 15ème siècle et au début du 16ème siècle, et qu’elle disparaît par la suite pour laisser place à une utilisation en tant que pronom qui se généralise, surtout avec l’emploi de pronom suivi d’une relative.
 
d) Tableau représentant l’utilisation de celui au cours des 16ème et 17ème siècles
Période
Pronom
Pronom plus adjectif
Pronom plus ci/là
Pronom plus préposition
Pronom plus relative
Pronom sujet
Total général
1401-1425
5
1

2
59
15
154
1426-1450
1


1
59
9
114
1451-1475
4


4
50
4
134
1476-1500

1
1
5
45
1
114
1501-1525


1
5
11

64
1526-1550


15
1
33
2
77
1551-1575
2
1
4
1
36
2
82
1576-1600

1
15
13
48
2
84
1601-1625

1
8
3
31
1
122
1626-1650


22
1
15

108
1651-1675


9
38
22
1
108
1676-1700


25
58
85
1
179
Total général
12
5
100
132
494
38
1340



On peut aussi remarquer que l’utilisation en tant que déterminant est très limitée, seulement 6 occurrences sur les 316 du total général. Par contre, l’utilisation en tant que pronom est majoritaire, en particulier le groupe pronom suivi d’une relative qui se trouve dans 160 cas sur 316.

Sur le plan des résultats statistiques et cela sur les 3 siècles étudiés, on a pour celui : (X²(11)=14,312604 ; p<0,216) et un test de Spearman significatif.

e) Globalement, l’utilisation en tant que déterminant disparaît après le 15ème siècle, celle en tant que pronom devenant majoritaire à partir du 16ème siècle, plus particulièrement avec l’introduction de l’emploi d’une relative. Les statistiques confirment ce caractère significatif.

 On peut remarquer que celui est utilisé en tant que pronom renforcé mais aussi en tant que pronom introduisant une relative ou même comme pronom seul. Cel et cil ne sont par contre pas utilisés en tant que pronoms renforcés.



 Evolution de cel et cil

a) Les sous-corpus utilisés sont les sous-corpus A et B, le tout extrait de Frantext.
b) Les utilisations principales de cel et cil sont celles en tant que déterminant suivi d’un nom (5) et en tant que pronom suivi d’une relative ou d’un verbe (4,6).
On peut mettre en évidence ces utilisations dans les textes suivants :
(4)                 «…lequel, pour se faire entendre de loing et faire trembler le lard au charnier, les voulut emporter furtivement, mais par honnesteté les laissa, non parce qu’elles estoient trop chauldes, mais parce qu’elles estoient quelque peu trop pesantes à la portée. Cil ne fut pas celluy de Bourg, car il est trop de mes amys.»
(Gargantua, François Rabelais, 1542)
(5)                 « Pié, que Thetis pour sien eust avoué, Pié, qui au bout monstres cinq pierres telles, Que l’Orient seroit enrichi d’elles, Cil Orient en perles tant loué. Pié albastrin, sur qui est appuyé Le beau sejour des graces immortelles, Qui feut baty sur deux coulonnes belles De marbre blanc, poly et essuyé.»
(L’Olive, Joachim du Bellay, 1550)
(6)                 « …et s’il n’eût trouvé de la protection parmi les gens polis, n’était- il pas banni honteusement d’une langue à qui il a rendu de si longs services, sans qu’on sût quel mot lui substituer ?  Cil a été dans ses beaux jours le plus joli mot de la langue française, il est douloureux pour les poètes qu’il ait vieilli.»                                                                                          
(Les Caractères, Jean de la Bruyère, 1696)        

On remarque sur ce graphique que les utilisations en tant que déterminant sont encore une fois limitées au début du 16ème siècle, mais ici les utilisations
en tant que pronoms diminuent aussi clairement au cours des 16ème et 17ème siècles pour se limiter à seulement quelques occurrences à la fin du 17ème siècle. Cel et cil sont des formes de moins en moins utilisées au cours de la période préclassique pour devenir marginales et disparaître par la suite.

d) Tableau représentant l’utilisation de «cel» et «cil»au cours des 16ème et 17ème
Période
bruit
Groupe nominal
Pronom
Pronom plus adj
Pronom renforcé
Pronom plus prep.
Pronom plus rel.
Pronom
Total général
1401-1425

44
4
1

2
52
13
116
1426-1450
1
13
1



27
6
48
1451-1475
1
7
3



17
4
32
1476-1500

3




11

14
1501-1525

1




4

5
1526-1550

2



1
31
1
35
1551-1575





1
27

28
1576-1600





1
21
1
23
1601-1625






23
1
24
1626-1650






7

7
1651-1675






3
1
4
1676-1700




2
5
4
1
12
Total général
2
70
8
1
2
10
227
28
348



De la même façon, dans ce tableau, on peut remarquer l’utilisation de ces formes en tant que déterminants limitée au début du 16ème siècle et l’utilisation en tant que pronoms prépondérante au 16ème mais s’amenuisant au 17ème. Ici encore, l’emploi introduisant une relative est plus usité que les autres. En ce qui concerne les résultats statistiques, on a une évolution significative des emplois dans le temps avec la disparition des emplois comme déterminant avant la disparition des emplois comme pronom (X²(11)=23,440288 ; p<0,016) et un test de Spearman significatif.

e) Globalement, l’emploi de cel et cil en tant que déterminant disparaît au début du 16ème siècle et leur emploi en tant que pronom disparaît à la fin du 17ème siècle. Ceci est confirmé par les statistiques. Il semble que la forme celui ait été conservée en tant que pronom alors que les formes cel et cil qui avaient la même origine et servaient de déterminants soient tombées en désuétude. 



Evolution de cetui

a) Le sous-corpus utilisé est le sous-corpus E, à partir de Frantext.

b) Les utilisations de cetui rencontrées sont surtout en tant que pronom renforcé (6), ou bien pronom suivi d’un verbe (7) ou d’un adjectif (8). On peut mettre en évidence ces utilisations dans les textes suivants des 16ème et 17ème siècles :
(7)                 «…et ne sont imitateurs des Pythagoriques, qui pour toutes raisons n’alleguoint si non, cetuy là l’a dit. Quand à moy, si j’etoy’enquis de ce, que me semble de notz meilleurs Poëtes Françoys, je diroy’à l’exemple des Stoïques, qui interroguez si Zenon, si Clëante, si Chrysippe sont Saiges, … »
(La deffence et illustration de la langue françoyse, Joachim du Bellay, 1549)
(8)                 « …que l’enfer etroitement enserre Cet ennemy du doulx repos humain, De qui premier la sacrilege main Arracha l’or du ventre de la terre ! Cetuy vraiment mena premier la guerre Contre le ciel, ce fier, cet inhumain Tua son pere et son frere germain, Et fut puni justement du tonnerre. »
(L’Olive, Joachim du Bellay, 1550)
(9)                 «Luy suffise de brider et moderer ses inclinations, car, de les emporter, il n’est pas en luy. Cetuy mesme nostre Plutarque, si parfaict et excellent juge des actions humaines, à voir Brutus et Torquatus tuer leurs enfans, est entré en doubte si la vertu pouvoit donner jusques là, et si ces personnages n’avoyent pas esté plustost agitez par quelque autre passion.»
(Les essais, Montaigne, 1592)
c) Cetui est utilisé en tant que pronom mais jamais en tant que déterminant. L’utilisation principale est en tant que pronom renforcé (cetui-ci, cetui-là), les autres occurrences restant très rares et disparaissant après le 16ème siècle. Même cette utilisation devient fort rare, la forme tombant peu à peu en désuétude après le 17ème siècle.

d)Tableau décrivant l’évolution de cetui :









 Cetui
période
Pronom
Pronom plus adj
Pronom renforcé
Pronom plus rel.
Pronom
 Total Pronom
 Total général

1526-1550


15

1
16
16

1551-1575
2
1
3

2
8
8

1576-1600

1
12

1
14
14

1601-1625

1
6
1

8
8

1626-1650


18


18
18

1651-1675


3


3
3

1676-1700


1


1
1
Total cetui
2
3
58
1
4
68
68
Total général
2
3
58
1
4
68
68



En ce qui concerne les résultats statistiques, le chi deux est non significatif et le test de Spearman est inapplicable.
e) On constate que la forme cetui est très employée à la période classique, en particulier dans son utilisation en tant que pronom renforcé (cetui-ci, cetui-là) mais par la suite, cette forme va tomber en désuétude au profit de la forme plus courte, cet, qui est de la même famille sur le plan étymologique.



Evolution de cet et cest

a) Le sous-corpus utilisé est le sous-corpus B, à partir de Frantext.
b) Nous n’avons remarqué qu’une utilisation de ces deux formes en tant que déterminants, alternativement déterminant suivi d’un nom (9), d’un adjectif (11) ou d’un adverbe (10), ou bien déterminant renforcé. On peut mettre en évidence ces utilisations dans les textes suivants : 
(10)            «…et tant y escouta qu’il entendist que l’on demandoit je ne sçay quoy à son hoste, lequel respondit à celuy qui parloit à luy que c’estoit raison. Et quant  cest Allement eust entendus ce mot, il dist tant de fois c’est raison qu’i le sceust… »
(Les cent nouvelles nouvelles, Philippe de Vigneulles, 1515)
(11)            «Or voicy un autre grand artifice de la peinture, qui est cest esloignement, car la perspective y est si bien observée, que vous diriez que  cest autre accident qu’il veut representer de deça, est hors de ce tableau… »
(L’Astrée, tome 1, première partie, Honoré d’Urfé, 1612)  
(12)            «La parenté et l’amitié de M. le vidame fut un prétexte à y envoyer plusieurs couriers ; on sçeut enfin qu’elle estoit hors de  cet extrême péril où elle avoit été ; mais elle demeura dans une maladie de langueur… »
(La princesse de Clèves, Mme de Lafayette, 1678)
 
c)  Cet et cest sont employés uniquement en tant que déterminants. 
On a un emploi à peu près homogène au cours des 16ème et 17ème siècles. Cependant, on sait que cet sera conservé par la suite alors que cest va tomber en désuétude.

d) On remarque que l’emploi en tant que pronom existe mais semble très minoritaire, voire anecdotique. Les résultats statistiques donnent (X²=0,0546421 ; p=1) et un test de Spearman inapplicable.

Ce(s)t
période
bruit
 Total
Det. Plus Groupe nominal
Groupe nominal plus là
 Total det.
Pronom renforcé
 Total Pronom
 Total

1501-1525


39
1
40
1
1
41

1526-1550


23
1
24


24

1551-1575
1
1
36

36


37

1576-1600


5

5


5

1601-1625


78

78


78

1626-1650


70

70


70

1651-1675


38

38


38

1676-1700


10

10


10
Total

1
1
299
2
301
1
1
303












e) Cet et cest sont déjà employés en tant que déterminants à cette époque, quasiment pas en tant que pronoms. La forme utilisée en tant que pronom est cetui, étudiée précédemment mais comme on l’a déjà vu, elle disparaît par la suite. De même, cest va disparaître au profit de cet



Evolution de ce
Pour la forme ce, particulièrement, nous avons fait une étude approfondie en listant les occurrences et en comparant avec une banque de données lexicologique (DELAS, DELAF) pour indiquer et classer ainsi que donner le nombre d’occurrences du type de mot qui suit la forme étudiée. Ce type de mot peut être un adjectif, un adverbe, une conjonction, un déterminant, une interjection, un nom, un pronom, une préposition, un préfixe, un verbe, une préposition adjectivale (dudit, audit…), une préposition pronominale (duquel, auquel…)…
 
Certains mots suivant la forme étudiée sont particuliers : ils ne correspondent à rien de connu pour le DELAS. Il y en a une quinzaine, nous les avons listés dans un tableau ci-dessous. D’autres sont du même genre, ils sont décrits par un X, il y en a 11 : voir aussi ci-dessous. D’autre part, il y a à peu près un tiers des mots qui sont des formes anciennes que le DELAS ne connaît pas car c’est une banque de données de français moderne. Enfin, il y a aussi les noms propres qui correspondent à peu près à trois mille occurrences.



15 étiquetés « (rien) » :

Req_Classement
 delas
Contexte Droit
falotement, ADV
Falotement
Faute
Faute
inviolablement, ADV
inviolablement
ex, PFX
Ex
Faute
Faute
inclusivement, ADV
inclusivement
inviolablement, ADV
inviolablement
lez, PREP
Lez
poly, PFX
Poly
quinto, ADV
Quinto
Faute
Faute
arrogamment, ADV
arrogamment
Faute
Faute
indivisiblement, ADV
indivisiblement
poly, PFX
Poly

Req_Classement
delas
Contexte Droit
ayes,aye
ayes
dances,dance
dances
huants,huant
huants
venue,venu
venue
Aucuns
aucuns
ayes,aye
ayes
Dancer
dancer
venue,venu
venue
Aucuns
aucuns
Dancer
dancer
venue,venu
Venue


CatChamps


(rien)
15


A
9556


ADV
1724


CONJS
28


DET
54


INTJ
131


N
20786


PFX
36


PREP
114


PREPADJ
5


PREPPRO
10


PRO
52


V
18448


X
11





A SUIVRE