dimanche 4 mars 2012

"Hypnose et psychanalyse", par Paul-Eric Langevin, Radio Campus Paris (2012)

HYPNOSE ET PSYCHANALYSE 

("La Puce à l'oreille" se fait hypnotiser)


« La décadence de l’hypnotisme n’est qu’un accident momentané dans l’histoire de la psychothérapie », selon Pierre Janet. L’hypnose est un outil mis au service de la psychothérapie, elle peut s’intégrer à toute approche psychothérapeutique : thérapie humaniste, psychanalyse, thérapies cognitives et comportementales, thérapies brèves, transpersonnelles, systémiques.

Elle est considérée comme un accélérateur et un amplificateur de thérapie. Elle permet d’accéder aux ressources inconscientes, de contourner les blocages, de faire émerger de nouveaux comportements plus créatifs pour le sujet.

Sigmund Freud a utilisé l’hypnose au début de sa carrière pour aider les patientes hystériques à retrouver les évènements traumatisants à l’origine des troubles (des scènes de séduction selon lui). Freud abandonne l’hypnose quand il constate que la vérité de l’hypnose ne peut être entendue sans résistance et du fait qu’il faut que le patient découvre sa vérité par lui-même, par le biais de sa parole.

C’est le début de la cure analytique. L’hypnose avait d’abord été utilisée par Jean-Martin Charcot qui essayait de traiter les hystériques par ce biais. La méthode cathartique doit beaucoup aussi à Joseph Breuer et consiste à mettre le patient sous hypnose. Freud découvre alors que les symptômes disparaissent lorsqu’on répète au malade une fois réveillé ce qu’il a révélé sous hypnose. La remémoration et la réactualisation émotionnelle des scènes traumatiques conduisent à la guérison.

Cependant, pour ceux qui ont été à l’origine des débuts de la psychanalyse, l’hypnose est un procédé incertain qui a quelque chose de mystique. Elle est encore associée au mesmérisme et ne permet de réduire que temporairement les symptômes hystériques. Freud pratique donc l’hypnose un certain temps mais postule ensuite l’importance de la dynamique sexuelle dans le développement de la psychopathologie.

A l’époque, une polémique était en cours en particulier entre les praticiens de l’Ecole de la Salpétrière et ceux de l’Ecole de Nancy.


* 1882 : Jean-Martin Charcot écrit « Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les hystériques ».

* 1884 : Hyppolite Bernheim écrit « De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille » ainsi que « De la suggestion et de son application à la thérapeutique » ; ce dernier ouvrage est traduit en allemand par Freud. D’autres auteurs écrivent sur le sujet comme les psychologues Alfred Binet, Wilhelm Wundt et Gilles de la Tourette.

* 1887 : Sigmund Freud utilise l’hypnose sous l’influence d’Hyppolite Bernheim.

* 1889 : il passe à la méthode cathartique, n’utilisant plus l’hypnose à des fins de suggestion directe.

* 1892 : il met au point la méthode des associations libres.

* 1896 : il abandonne totalement l’hypnose.


En 1917, dans une conférence d’introduction à la psychanalyse, il déclare : « Je suis en droit de dire que la psychanalyse proprement dite ne date que du jour où l’on a renoncé à avoir recours à l’hypnose. »

Les théories psychanalytiques se sont alors développées tout au long du XXème siècle sans plus être mêlées à l’hypnose. Cependant, depuis plusieurs dizaines d’années, les praticiens ont souhaité remettre l’hypnose au goût du jour et ont participé à divers débats sur le sujet. En particulier Léon Chertok (1911-1991) : ce psychiatre d’origine russe, résistant pendant la guerre, a un parcours qui questionne ces disciplines. En 1947, il fait un stage de psychiatrie à la fin de ses études de médecine.

En 1948, il se fait analyser par Lacan. En 1950, il crée le centre de médecine psychosomatique de Villejuif et au cours des années 50, il se fait hypnotiser par Milton Erickson puis rencontre le psychanalyste Raymond de Saussure. En 1957, il crée la société française de médecine psychosomatique puis écrit de nombreux ouvrages sur l’hypnose. D’autres spécialistes questionnent aussi cette pratique par la suite.


* 1983 : Rencontre sur l’hypnose à l’hôpital Fernand Widal avec Léon Chertok, René Girard, François Roustang.

* 1984 : Publication de « Hypnoses », de Mikkel Borch-Jacobsen, Jean-Luc Nancy et Eric Michaud. 

* 1985 : Borch-Jacobsen donne une conférence « L’Hypnose dans la psychanalyse » à la société de médecine psychosomatique. 

* 1986 : Texte de la conférence avec des réactions de Georges Lapassade, Octave Mannoni

* 1987 : « Hypnose et psychanalyse » de Léon Chertok et Mikkel Borch-Jacobsen


François Roustang est un praticien qui a d’abord été prêtre, puis a exercé la psychanalyse pendant 20 ans pour se consacrer par la suite à l’hypnose. Parmi ses ouvrages, «qu’est-ce que l’hypnose ?» et «il suffit d’un geste». Récemment, la philosophe Isabelle Stengers a publié aussi une étude sur l’hypnose.


* Référence dans l’œuvre de Sigmund Freud : « Cinq leçons sur la psychanalyse »


Paul-Eric Langevin