mardi 18 octobre 2011

"Réflexions sur le langage et l'écriture", par Paul-Eric Langevin (2011)


« Réflexions sur le langage et l’écriture »

(Séminaire Transespace avec Jean-Baptiste Beaufils)

D’après « Linguistique et grammatologie » de Jacques Derrida

Le passage de l’état de nature à celui de culture (Levi-Strauss, Rousseau), les origines du langage, le développement des capacités de lecture et d’écriture chez l’enfant (Mélanie Klein). 

Le travail de l’inconscient lors de la lecture : parfois on lit un texte et on décroche petit à petit, pris par nos pensées. Que se passe-t-il  alors  dans l’inconscient ?

Le travail de l’inconscient lors de l’écriture ; rapport entre flux de pensée et écriture. 

La grammatologie est une étude scientifique du processus d’écriture, quels mécanismes de pensée innés ou acquis se mettent en place lors d’un travail de lecture ou d’écriture ? 

Les mêmes mécanismes sont-ils en jeu tout au long de l’Histoire ? Le rôle des cris primitifs, les pleurs des enfants qui viennent de naitre. 

L’enfant met d’abord en place quelque chose de l’ordre de la figuration, puis de la sexuation puis de la parole (Jean-Baptiste Beaufils). Ou se situe la lecture ? Ou se situe l’écriture ? 

Signifiant et signifié chez Saussure : pour que la parole émerge, il faut qu’un signifiant se raccroche à un signifié. A un flux de pensée correspondent un flux de lecture et un flux d’écriture. 

Que se passe-t-il avant la pensée ? Notion d’impensé en rapport avec le role des non-dits, en particulier dans le domaine de la psychogénéalogie.

Le travail du rêve est une écriture selon Freud ; le rêle de la mémoire dans la production de la parole et de l’écriture. La façon dont émergent les souvenirs est comparable à la façon dont émergent les pensées. Le rôle du groupe, le rôle de l’autre dans la production langagière et dans la production de l’écrit.

La grammatologie est l’étude de la façon dont les mécanismes d’écriture se mettent en place ; le role de l’imagination, inhibition et créativité, nécessité de l’échange, du contexte. 

L’écriture du social et l’écriture de l’intime, la parole dans le champ social et dans le domaine de l’intime. La parole et l’écriture doivent trouver une place pour se déployer.

Dans le champ social, parler et écrire peuvent aider à construire une représentation de la société. Domaines de la sociologie, de la philosophie, de la littérature. La parole performative, selon la linguistique. Dans le domaine de l’intime, il s’agit plus de construire une représentation de soi .

Importance des relations affectives, de la correspondance, aujourd’hui du courrier électronique.
La parole dans la cure psychanalytique, dans le groupe, dans la famille, dans l’intimité. Il y a des rapports, des échanges, des relations entre les domaines. Quand la parole, l’écrit ne trouvent pas leur place, problème. Ca peut être une parole cachée, un écrit caché.

Secrets, écrits cachés dans un tiroir, le domaine de l’autobiographie ; la scène de l’écriture (Derrida) La scène peut etre politique, littéraire, intellectuelle ; scène politique : paroles et écrits subversifs.

Ils peuvent etre maintenus dans le silence, refoulés par la norme en vigueur, la moralité, censure.

Théorie de l’apparition du langage dans l’humanité : elle proviendrait des cris des premiers hommes. Théorie de l’apparition de l’écriture : elle serait contemporaine de la sédentarité de l’homme (Leroi-Gourhan, cité par Derrida).

Ecriture et évolution des techniques, des technologies, apparition de l’écrit puis de l’imprimerie puis de l’informatique. Cf. « Le langage, cet inconnu » de Julia Kristeva

On n’écrit plus de la meme façon qu’avant. Certains auteurs écrivent directement sur ordinateur, d’autres ont encore besoin d’écrire à la main. La période de la machine à écrire.

L’inconscient fonctionne-t-il  de la meme façon selon la méthode utilisée ?

La parole et l’écriture comme symbole, comme message. Le schéma des fonctions du langage par Jakobson (fonction poétique, fonction métalinguistique…) 

La théorie de l’information développée par Shannon dans les années 50. 

Sémiologie et sémiotique du langage, de l’écriture, semio = seme = signe, la sémiologie est l’étude des signes (Charles Sanders Peirce).

Les représentations mentales, les théories cognitives, représentation mentale d’un mot parlé, d’un mot écrit, notion d’écran mental, d’écran du reve en psychanalyse.

Ecriture de soi et psychanalyse, écriture de soi et résilience (Boris Cyrulnik), écriture et mémoire (« l’écriture ou la vie » de Jorge Semprun), écriture et personnalité, écriture et libido.

L’importance de l’échange : on pense mieux et on pense plus à plusieurs (groupes, réseaux)

Par opposition, nécessité de la solitude aussi pour construire une pensée.

L’inconscient est structuré comme un langage (Lacan) : l’inconscient aurait donc la meme structure, la meme forme que le langage ; inversement le langage est aussi structuré comme l’inconscient, là ou il y a du langage, l’inconscient prend forme, si pas de langage, inconscient déstructuré.

Malheureusement, les paroles s’envolent : faut-il enregistrer les échanges pour pouvoir travailler dessus ? Les écrits restent, selon la célèbre formule, mais sous quelle forme ? Droits d’auteur, censure, multiples versions, interprétations bonnes ou mauvaises des auteurs par ceux qui viennent après, importance de la correspondance des auteurs. 

Ecriture et réécriture : tout comme la peinture, un auteur peut revenir sur ce qu’il a fait, travail obsessionnel de quete de la perfection, pas possible à l’oral.

Le travail d’écriture fait-il partie de l’étude du langage ? Les Sciences du langage sont les sciences des signes créés par l’homme pour communiquer. Origine des mots, phonétique, phonologie, morphologie. Découpage des mots en unités distinctives, les phonèmes. 

La phonétique est l’étude de la façon dont les sons sont produits, la phonologie est l’étude de la façon dont les sons s’articulent entre eux, la morphologie est l’étude de la façon dont les mots sont construits.

Apparition du sens : la sémantique. « 6 leçons sur le son et le sens » de Roman Jakobson, La naissance du sens : travaux d’éthologie de Cyrulnik , la théorie de l’affectivité de John Bowlby.

Le sens précède-t-il le mot ? Le mot précède-t-il le sens ? Chez l’homme, pas de sens sans mot. L’aphasie est la perte des mots et implique une perte du sens des choses et une perte du lien.

Chez l’animal, pas de mots mais existence d’un langage du corps, d’un langage affectif.

Lien mère-enfant : travaux de John Bowlby, Melanie Klein, Anna Freud mais aussi Winicott. 

La construction du langage est aussi étudiée en psycholinguistique. Le développement du langage chez le nouveau-né, chez l’enfant : babillage, construction du langage, construction du sens.

Le langage se construit autour du lien affectif. Si pas de lien, pas de langage. S’il y a des carences affectives, difficulté de donner du sens, de construire une pensée. Voir  le cas des enfants sauvages (film de Truffaut, énigme de Kaspar Hauser). 

L’évolution du langage chez l’enfant, l’adolescent, l’adulte, les langages spécialisés, interactions humaines, éthologie humaine (Henri Laborit). Le rôle de l’éducation, le rôle des humanités, celui des découvertes personnelles, l’inné et l’acquis. La curiosité doit etre développée pour que l’éducation soit réussie. Les conflits psychiques, les conflits interindividuels, les difficultés sociales sont des barrages au développement de la curiosité. Mais l’enfant, l’adolescent peuvent développer leur curiosité envers et contre tout. Role de la réussite sociale, des échanges et du lien, des échanges de bonne qualité. Communication vide et communication pleine (Lacan, parole vide et parole pleine).

Qu’est-ce que parler veut dire ? (Bourdieu) 

Les mêmes mécanismes existent-ils pour la lecture et pour l’écriture ? Certains facteurs font barrage au développement de la lecture. Les nouvelles technologies peuvent déclencher ou empêcher le gout de lire. Le rôle de la télévision, de la société, de la culture des parents. Certains adolescents développent un gout de lire qui n’est malheureusement que passager. A cette période, il y a parfois une boulimie de lecture. La lecture, la culture sont-elles une arme contre la violence ? Contre la souffrance ? 

En ce qui concerne l’écriture, les memes problèmes apparaissent. Commencer à écrire nécessite un déclic, le début d’un processus de pensée. Développer une pensée, un discours, un écrit dans quel contexte ? Hors d’un certain contexte ? Pas facile de partir de rien. Angoisse de la page blanche. Nécessité de l’épanouissement individuel, écrire permet-il de s’épanouir ?

Notion de déterritorialisation (Deleuze), départ de Derrida aux Etats-Unis pour enseigner parce qu’il avait du mal à trouver sa place en France. Les discours dominants, les luttes de pouvoir et d’influence dans le monde intellectuel, dans le monde universitaire. Le risque de la pensée.

Paul-Eric Langevin

Références :
-« Essai sur l’origine des langues » (Rousseau) 
-« Essais de linguistique générale » (Jakobson) 
-« Fragment inédit d’un essai sur les langues » (Rousseau) 
-« A la recherche de l’essence du langage » 
-« Cours de linguistique générale » (Saussure) 
-« Au sujet des fondements de la théorie linguistique » 
-« Prolégomènes à une théorie du langage » 
-« Langue et parole » (Hjemslev) 
-« Linguistique et théorie de la communication » (Shannon et Weaver) 
-« La grande invention de l’écriture » (Marcel Cohen) 
-« Histoire de la langue universelle » (Louis Couturat) 
-« L’écriture de l’enfant » (Julian de Ajuriaguerra) 
-« Le rôle de l’école dans le développement libidinal de l’enfant » (Mélanie Klein) 
-« L’écriture et la psychologie des peuples » (Leroi-Gourhan) 
-«  Le geste et la parole » (Leroi-Gourhan) 
-« Essai sur l’origine des connaissances humaines » (Condillac)